« Les risques inflationnistes augmentent à moyen terme », a expliqué le président de la Banque Centrale Européenne Jean-Claude Trichet jeudi dernier. L’inflation s’est élevée à 4,1 % dans la zone euro en juillet, un chiffre qui a incité l’institution monétaire à laisser inchangé son principal taux directeur, à 4,25 %. La croissance est ce fait pénalisée : selon Jean-Claude Trichet, elle « sera particulièrement faible au deuxième et au troisième trimestre ». Toutefois, « les fondamentaux économiques de la zone euro restent sains », a-t-il rappelé.
En dépit de la baisse des cours du pétrole amorcée depuis près de trois semaines, revenant aux alentours de 120 dollars, la hausse durable du niveau général des prix s’avère toujours forte. Le repli des cours pétroliers enregistré récemment (voir le troisième épisode de notre série Vivre sans pétrole) s’apparente davantage à un regard moins tourné vers les risques géopolitiques de la part des investisseurs qu’à un réel effort des pays producteurs, et est soutenu par le ralentissement de la demande américaine. Mais pas question pour les pays producteurs d’ouvrir largement le robinet, la dépréciation du dollar refroidissant cette éventualité. La facture pétrolière reste toujours forte pour les Européens, qui ont consacré en 2007 près de 5 % de leur budget à acheter des produits pétroliers, selon l’Insee.
L’inflation à laquelle on assiste actuellement est donc avant tout « importée », à savoir liée à l’augmentation du prix des importations. La répercussion sur les prix de vente des coûts a été visible pour les consommateurs sur des biens liés aux matières premières agricoles ; cependant, là aussi, une baisse s’amorce actuellement. Dans ce contexte, les consommateurs continuent à faire part de leurs inquiétudes quant au pouvoir d’achat. En France, le mois de juillet, synonyme de grands départs, a été marqué par un recul de 4 % du trafic autoroutier par rapport au même mois de l’année précédente. Les professionnels du tourisme constatent des modifications des habitudes de consommation. Danone lancera pour sa part un pack de yaourts à prix bas à la rentrée. Si l’on examine les raisons favorisant l’inflation à la lecture du relevé d’Eurostat en date de mars dernier, on trouve en tête les carburants, les combustibles liquides et le lait, le fromage et les œufs. Les consommateurs les plus pénalisés sont avant tout les slovéniens (6,2 % d’inflation en mai selon Eurostat), belges (5,91 % en juin) et espagnols.
Face à ces craintes, la BCE souhaite réaffirmer sa nécessité aux yeux de consommateurs touchés au quotidien. La stabilité de son principal taux d’intérêt témoigne de cette volonté. Cependant, la hausse des taux directeurs intervenue le 3 juillet (de 4 à 4,25 %) a fait peser de nouveaux risques sur l’inflation et la croissance, en renforçant l’euro face au dollar, ce qui est à même de favoriser une hausse du pétrole, et en resserrant, du moins sur le papier, l’accès au crédit. Il n’y a pas « de signes significatifs de contraintes d’offre sur les prêts bancaires », a tenu à rassurer Jean-Claude Trichet. Les regards se portent aujourd’hui sur les risques de stagflation, avec des matières premières aux prix élevés et une croissance particulièrement molle. Le salut de la zone euro proviendra peut-être d’une baisse durable du prix du pétrole et des matières premières agricoles, éléments qui concernent directement les consommateurs.
Le risque d’effets de second tour
La plupart des pays de la zone euro ne possèdent pas ou plus de système d’indexation des salaires sur l’indice des prix, comme c’est par exemple le cas en Belgique. Jean-Claude Trichet a, à de nombreuses reprises, mis en garde contre ce système qui favorise une alimentation de l’inflation par une relation liant prix et salaires. Dans les Etats non-pourvus de ce système, le risque existe aussi, si les ménages, faisant face à un risque qu’ils jugent durable pour leur situation, et disposant d’un pouvoir de négociation suffisant, tentent d’obtenir des hausses de salaires.