Les professionnels de l’énergie solaire sont à la peine. Touchée par un cadre réglementaire et financier mouvant, la filière souhaite davantage de stabilité.
Le redressement judiciaire de Photowatt, prononcé ce mardi, fragilise une filière qui, en France, peine à se développer avec de la visibilité sur son avenir. 442 emplois sont concernés, l’entreprise étant par ailleurs le leader hexagonal de l’énergie solaire. La semaine dernière, l’entreprise, basée dans l’Isère, a déposé le bilan, notamment affaiblie par la concurrence étrangère – en particulier chinoise – et les conséquences du moratoire imposé en 2010 par le gouvernement.
Le cas de Photowatt illustre la situation délicate dans laquelle se trouvent les acteurs du secteur, qui réclament davantage de stabilité en termes de législation, à l’instar des autres professionnels des cleantechs. « Le solaire souffre depuis des mois, alors que les tarifs n’ont pas changé. La soudaine mauvaise image des panneaux solaires a été catastrophique. Certains installateurs sont passés d’un état de surcharge à l’inactivité », explique à Usinenouvelle.com David Dornbusch, président de l’association Cleantuesday.
Fin 2010, face à l’emballement du nombre de demandes de rachat d’électricité auprès d’EDF, malgré plusieurs baisses de tarifs successives, François Fillon a instauré un moratoire sur les nouveaux projets d’installations photovoltaïques, à l’exception de celles diligentées par les particuliers. Initialement prévue pour durer quatre mois, cette période continue de peser sur le secteur, l’effet le plus marquant étant, selon le directeur d’une firme basée dans les Hautes-Pyrénées, « l’interruption de la délivrance des obligations d’achat par EDF. On ne sait pas à quel tarif EDF va nous racheter la production. De plus, les nouveaux textes impliquent des appels d’offre ».
La baisse des prix des panneaux a par ailleurs entamé la marge des fabricants, d’où de nombreuses fermetures d’usines à l’échelle mondiale. Les fabricants et les installateurs – beaucoup plus nombreux – d’équipements sont donc pris en pleine tourmente, de nombreuses PME exprimant des difficultés croissantes à poursuivre leur activité. La dernière décision de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) inquiète notamment le Syndicat des énergies renouvelables, le lobby des énergies alternatives.
Les tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque ont ainsi « subi des diminutions successives de 20 % au 4 mars 2011, puis de 9,5 % au 1er juillet. La filière photovoltaïque est aujourd’hui confrontée à une nouvelle baisse de tarif de 9,5 % qui doit s’appliquer pour le dernier trimestre 2011 », eszt-il rappelé dans un communiqué de presse. Conséquence, les demandes de raccordement auraient chuté en moyenne de 40% . Chaque mois, les concepteurs, fabricants et installateurs procéderaient par ailleurs à la suppression de mille emplois, une pratique totalement inverse à celle espérée par le gouvernement début 2010, étude d’un prestigieux cabinet de conseil à l’appui.
Les exemples d’entreprises en difficulté se multiplient dans la presse régionale. Ouest-France présente ainsi le cas d’une PME bretonne, Scouarnec, s’estimant pénalisée par les décisions gouvernementales et de la CRE : « des baisses de tarifs de rachat et des modifications drastiques de la réglementation ont eu raison du marché », explique son patron. Dans le Sud, plus favorisé en termes de climat, La Dépêche du Midi donne pour sa part la parole à un entrepreneur de Tarbes, contraint de suspendre les travaux d’une charpente qu’il comptait remettre sur pieds avec les fonds provenant de l’installation de panneaux.
Afin de ne pas laisser perdurer la situation, les professionnels comptent profiter de l’écho médiatique permis par l’élection présidentielle pour défendre leur cause. De nombreux acteurs comptent néanmoins ne pas se laisser abattre, et s’efforcent de boucler au plus vite les projets en portefeuille pour bénéficier de cieux plus favorables concernant les tarifs d’achat.
Quant aux concepteurs, ils ne demeurent pas en reste : « 90 % des dépenses de R&D effectuées dans l’histoire du photovoltaïque l’ont été ces 24 derniers mois », indique à La Tribune le directeur général pour la France de Centrosolar, une firme allemande spécialisée dans les modules solaires, Eric Sauvage.