L’éclatement des dispositifs d’accompagnement et l’émergence de nouvelles formes de travail caractérisent les multiples possibilités permettant, in fine, d’innover.
Pointant en vingt-deuxième place du dernier Indice mondial de l’innovation établi par l’Insead, la France fait pâle figure. La Suisse, la Suède et Singapour se hissent dans le trio de tête de ce classement qui combine l’évaluation des moyens déployés pour favoriser l’innovation et les résultats obtenus dans chaque pays étudié. L’Hexagone y a perdu, en deux ans, trois places.
Faut-il y voir une défaillance de la part du gouvernement et des acteurs notamment concernés par la recherche et le développement ? François Baroin, ministre de l’Economie, a réaffirmé la nécessité d’une R&D forte : « l’amélioration des perspectives de croissance de notre pays passe par des investissements en faveur du développement de la compétitivité et le soutien à l’innovation et aux travaux de recherche et développement dirigés par le besoin des industries et services », a-t-il indiqué jeudi dernier à l’occasion du lancement des Plates-formes mutualisées d’innovation.
Un appel à projets dirigé par la Caisse des Dépôts doit aboutir à la sélection et au subventionnement de projets ayant pour finalité le déploiement de ressources – humaines et matérielles – destinées à mettre en œuvre des programmes de R&D ouvrant la voie à de « fortes » retombées économiques. Cette mutualisation de personnels et de matériels, financée à hauteur de 200 millions d’euros, s’ajoute aux dispositifs déjà existants.
Des dispositifs performants mais perfectibles
Parmi ceux-ci, les pôles de compétitivité tendent à s’imposer comme des partenaires incontournables des entreprises, même si leur éclatement constitue un frein à leur visibilité. Lancés il y a sept ans, ils se sont forgés – non sans mal – un espace original parmi les organismes intervenants dans la promotion de l’innovation, dans des disciplines particulièrement variées.
Parmi les projets en cours, le développement de biomolécules pour traiter la maladie d’Alzheimer (Lyonbiopôle), la recherche d’application des piles à combustible dans l’aéronautique (Capénergies) ou la conception d’images traduisant le relief (Cap Digital) permettent d’observer cette diversité. L’accroissement des échanges entre pôles constitue par ailleurs un sujet sur lequel de nombreuses équipes souhaitent plancher, mais difficile à concrétiser.
Le crédit d’impôt recherche a pour sa part été réformé, en touchant 3.000 entreprises supplémentaires l’an dernier (10.000 au total), pour 4,5 milliards d’euros de dépense fiscale. « Un primo-déclarant peut se faire rembourser 50% de son investissement en frais de brevet, de fonctionnement et en salaires d’ingénieurs ou de personnes dédiées à la mise au point des innovations », explique à LSA Gilles Pradel, associé chez Alma Consulting. Les critiques sont néanmoins nombreuses sur l’efficacité du dispositif : les grandes entreprises en profiteraient au dépend des PME, certains députés militant pour un réequilibrage de la mesure. Pour Nicolas Sarkozy, ces dernières « entraînent » l’ensemble des firmes d’un secteur.
De nouvelles formes d’innovation
Ces mêmes entreprises sont demandeuses de solutions pour les accompagner dans leur processus d’innovation, 52% d’entre elles – selon le cabinet BearingPoint – souhaitant travailler sur la simplicité et l’expérience client. En sortie de crise, l’enjeu pour de nombreuses firmes consiste à capter l’attention de clients qui ont pu se détourner de leurs produits ces derniers mois, et cibler leurs nouvelles offres. D’une manière générale, de nombreux consommateurs ne sont prêts à payer de 30% à 50% de plus pour un produit que s’il apporte une plus-value « significative », comme pour l’iPhone d’Apple ou la friteuse Actifry de Seb, limitant le besoin d’huile.
Ces cas, rares, poussent de nombreux industriels et fournisseurs de services à se démarquer, avec toujours la nécessité de limiter la prise de risque. « Plus que jamais, l’innovation est devenue un levier de différenciation et de compétitivité fort, et elle passe souvent par une coopération accrue au sein d’un écosystème de marché », analyse Jean-Christophe Saunière, associé chez PricewaterhouseCoopers, pour expliquer le succès de la « co-création » entre entreprises.
L’instauration de partenariats entre acteurs d’un même secteur, comportant toutefois des risques liés à la propriété industrielle, constitue une tendance forte selon le cabinet, qui met en exergue la propension des sociétés des médias et des télécoms pour ce type d’échanges. Les contenus et les tuyaux tendent en effet à converger.
De manière plus connue, le recours aux consommateurs pour innover demeure une piste appréciée des entreprises et des clients, même si les firmes doivent au préalable encadrer cette forme de coopération. Que ce soit sous forme de concours ou d’ateliers, l’objectif reste identique : décrypter les aspirations de leur cible et jouer sur le sentiment d’appartenance pour lancer un produit dans les conditions les plus favorables possibles. On assiste donc à une véritable mutation des processus d’innovation, désormais ponctués d’échanges plus réguliers pour les entreprises ayant fait cette démarche. La phase d’incubation demeure en effet sensible, tant ses conséquences sont fortes.
La démarche d’ouverture poursuivie par de nombreuses entreprises trouve ici ses limites, la collaboration avec des tiers ne devant pas entamer le pouvoir décisionnel des firmes sur leurs projets.
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