Les agriculteurs doivent faire face à des difficultés d’approvisionnement, des baisses de production et une situation financière tendue.
Pour Nadine Brisson, chercheur à l’INRA interrogée par Les Echos, « la sécheresse de 2011 est plus grave qu’en 1976 ». Les conséquences économiques de cet épisode, qui touche le secteur agricole dans sa globalité, se font déjà sentir. Le mois d’avril dernier a été le deuxième le plus chaud et sec depuis 1900. Business & Marchés passe en revue les principaux points de tension.
Autorités : une mobilisation tardive
Si les premiers signaux de la criticité de la situation ont été aperçus il y a plus de trois mois, le gouvernement vient seulement de mettre en place une cellule de crise. Le déploiement de moyens de transport spécifiques, réclamés par la profession, ne sera pour sa part effectif qu’au début de l’été.
« Les cultures ayant grosso modo trois semaines d’avance, les premières récoltes commenceront donc autour du 20 juin, et puisqu’il s’agit de transporter de la paille, c’est aussi à cette date que commenceront les transports ferroviaires », s’est justifiée la ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet.
Ces convois, qui doivent répondre à la pénurie de nourriture pour le bétail, prendront la forme de trains de 22 wagons pouvant transporter jusqu’à 500 tonnes de paille. Un calendrier est en cours d’établissement afin de déterminer les régions les plus concernées et prévoir un plan d’acheminement final par camion. Selon la ministre, la barre du million de tonnes transportées, comme à l’été 2003, pourrait être franchie cette année.
Des difficultés liées au manque de fourrage
L’approvisionnement en fourrage semble également constituer, face à l’épisode de sécheresse que connaît actuellement la France, une priorité pour les éleveurs. Ceux-ci, « pour arriver à garder leurs bêtes jusqu’à avril 2012, vont devoir acheter entre huit et neuf mois de stock de fourrage, sinon on les abat ou on dépose le bilan », explique Franck Bouniol, coprésident des Jeunes Agriculteurs.
Les pertes de récoltes en fourrage oscillent, selon les régions, entre 50% et 80%, comme en Rhône-Alpes. Selon une note de l’Institut de l’élevage dévoilée par La France agricole, 15 millions de tonnes de fourrage en moins seront récoltées par rapport à une année normale. Les éleveurs comptent également s’adapter en ajustant leur cheptel : un surplus de 84.000 tonnes de viande pourrait, selon la revue professionnelle, s’ensuivre.
Constituée d’herbe séchée, le foin est particulièrement affecté par les températures anormalement élevées, compliquant le travail des agriculteurs dans les mois à venir. « A la différence de 2003, la sécheresse frappe en pleine pousse de printemps, la principale pour les foins comme pour les pâtures. Elle nous prive de réserves, ce qui est dramatique », indique au Parisien Joseph Giroud, président de la chambre d’agriculture du Rhône. La Marne et l’Aube feraient partie des fournisseurs potentiels, tout comme l’Espagne pour la luzerne. La concurrence entre les différents acteurs, en dépit de la solidarité affichée, risque de faire rage.
Lait et céréales sous haute tension
En Bourgogne, les volumes de production de lait auraient déjà reculé de 40% à 50%, selon Le Bien Public. Le quotidien dijonnais souligne également la difficulté des relations entre les coopératives et les clients, les collecteurs rechignant à échelonner leurs délais de paiement. De manière générale, les laiteries enregistreraient déjà une baisse de 20% de leur production. La paille, qui sert habituellement de litière, distribuée aux vaches, présente des qualités nutritionnelles inférieures au fourrage.
Les céréales font aussi les frais de cette situation. Un agriculteur explique ainsi payer la tonne de blé 230 euros, contre 130 euros il y a deux ans : les conséquences sont donc également visibles au sein même de la filière. Le cas des plants de maïs illustre les difficultés futures : ils n’atteignent que vingt centimètres en moyenne, bien loin du mètre habituellement constaté en cette saison. Dans l’Oise, seule la moitié des cultures de lin – 1.100 hectares – devraient être récoltées. Les cultures d’hiver – orge, blé, colza – seront particulièrement touchées.
Dans ce contexte, les mesures de chômage technique sont déjà abordées par de nombreux professionnels, qui sont focalisés sur leur trésorerie. Traversant déjà des situations difficiles, les agriculteurs appréhendent les coûts liés à ces événements. « On a eu massivement recours à des plans de soutien, du dépannage qui s’est traduit par de l’emprunt à court ou moyen terme. Rajoutez aujourd’hui un emprunt sécheresse, ça fait très peur », témoigne dans L’Union du Cantal Louis-François Fontant, président de la Chambre d’agriculture du Cantal.