Économie

Pétrole: pourquoi ça monte ?

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Les cours du pétrole s’enflamment, au détriment des consommateurs. En cause à l’échelle mondiale: la spéculation, le système d’exploitation des ressources (extraction, raffinage) grippé et la main-mise d’Etats qui n’ont pas l’intention de relever le niveau de leur production dans l’immédiat.

En franchissant records sur records, les cours du pétrole – tant à New York (brut WTI) ou Londres, sans parler du plus discret et néanmoins important Dubai, mettent les dirigeants des pays importateurs sous pression face à la grogne des consommateurs dont le prix du plein de carburant grimpe, mais ne constituent pas encore une véritable force capable de provoquer de significatifs changements de comportement à même de relâcher la demande et d’infléchir la position des pays exportateurs, qui n’ont pas la moindre intention de relever significativement leurs quotas de production.

Pétrole, explosionMais l’explosion du prix du baril est avant tout la conséquence de multiples facteurs, dont certains sont directement liés aux réactions soudaines du marché. « Les prix du pétrole ont atteint de nouveaux sommets, dans un contexte où les interruptions de production au Nigeria, le dollar faible, et l’Iran continuent à fournir de nombreux arguments aux haussiers. Les données économiques aux Etats-Unis ont agréablement surpris, avec des chiffes de l’emploi et du chômage meilleurs qu’attendu« , indique ce mardi à l’AFP Michael Davis, analyste de la maison de courtage Sucden. Il met en avant dans son explication la financiarisation des marchés pétroliers en évoquant les « haussiers », à savoir les acteurs du marché favorables à des hausses de prix, ainsi que des paramètres d’ordre géopolitique.

Petrole-natixisLe graphique ci-contre, établi par les économistes de Natixis, démontre l’importance de ce nouveaux type d’acteurs sur les marchés pétroliers. La courbe la plus épaisse reflète les intentions d’achat de ces spéculateurs, qui en réalité n’acquièrent réellement peu d’or noir, et la plus fine trace l’évolution des cours du baril de brut côté à New York. Il apparaît clairement que l’influence des premiers agit sur le prix du baril, et cela plus nettement depuis le début de l’année. Certains investisseurs ont en effet rejoint les marchés des matières premières peu de temps après la crise financière, ce qui a contribué à l’accélération d’une tendance de fond, la hausse des cours. « En réalité, nous sommes bien incapables de mesurer l’impact réel de la spéculation. Je pense sincèrement que l’influence de tous ces nouveaux acteurs financiers est un peu comme l’écume sur la vague ! La financiarisation du marché pétrolier a ajouté beaucoup de volatilité sur les cours. C’est à dire qu’ils peuvent varier fortement d’un jour à l’autre, à la hausse comme à la baisse« , rappelle toutefois Philippe Chamin, professeur à l’Université Paris-Dauphine et président de l’institut Cyclope, dans une interview publiée sur le site internet de L’Expansion.

production-opep-40Des causes géopolitiques expliquent également cette poussée des cours par « à coups », les 2/3 des réserves de pétrole étant situées au Moyen-Orient, théâtre de nombreux conflits, environ 9% en Amérique du Sud et 10% en Afrique, majoritairement dans des pays réputés « difficiles ». A de multiples reprises, Problématiques.fr a rapporté l’importance de ce facteur dans le cadre de ses articles sur les multiples records établis par le prix du baril de brut. Une forte sensibilité des prix aux perturbations climatiques (ouragans dans le Golfe du Mexique, températures hivernales et estivales…).

Les pays de l’Opep, organisation qui produit près 40% de l’offre mondiale, se situent dans certains de ces Etats dont la situation s’avère délicate. On notera par ailleurs que les consommateurs d’or noir ont affaire à un oligopole (source: Agence internationale de l’énergie), ce qui complique leur marge de manoeuvre lorsqu’il s’agit de pouvoir trouver du liquide à bas coût ou d’influer sur ce dernier. Sur le graphique ci-contre, il est possible d’observer une augmentation relativement constante de la production de l’Opep entre mars 2002 et août 2005. Cependant, après août 2005, le niveau de production semble décliner à un rythme supérieur au rythme d’augmentation de la production entre 2002 et 2005. Le cartel fait par ailleurs preuve de son influence en émettant ses propres prévisions de cours: ainsi, le ministre saoudien du Pétrole et chef de file de l’Opep, Ali al-Nouaïmi expliquait medium-opec-echo-actu-blogspirit-2-3début mars à la revue Pétrostratégies qu’il « existait dorénavant une ligne sous lesquels les prix du pétrole ne tomberaient pas« .

« Si vous regardez le coût marginal de production des carburants alternatifs, que ce soit les biocarburants ou les sables bitumineux, je pense qu’elle se situe entre 60 et 70 dollars. Si vous prenez en compte toutes les subventions qui entrent en jeu dans la production d’un baril de biocarburant, je doute que quiconque puisse gagner de l’argent dans cette activité avec un prix inférieur à 60 ou 70 dollars. Une ligne délimite dorénavant le niveau de prix sous lequel il ne peut chuter« , indiquait-t-il alors. L’organisation doit toutefois faire face à la force de frappe d’Etats tels que la Russie ou, dans une mesure plus nuancée, de la Norvège, dont les coûts de transport vers l’Europe occidentale sont moindres par rapport à des lieux de production établis au Moyen-Orient, par exemple.

Pour ces pays, la tentation d’un « nationalisme pétrolier » est fort: surfant sur cette flambée des cours, certains Etats tels que le Vénezuéla ont décidé de reprendre en main leur production intérieure, ce qui complique la tâche des majors telles qu’Exxon Mobil ou Total qui doivent trouver d’autres lieux de production et accroître par la même occasion leurs coûts de recherche et développement. Ce point est par ailleurs mis en avant par la compagnie française, qui indique dans son document de référence annuel qu’en 2007, « les investissements d’exploration des filiales consolidées du groupe se sont élevés à 1 233 millions d’euros« .

Eco-euro-petrole-l-echoA noter également, l’influence de la baisse des cours du dollar. Comme le démontre ce graphique réalisé par les journalistes du quotidien économique belge L’Echo, la corrélation entre les cours du dollar et ceux du pétrole ne cesse de progresser depuis 2005. “Je suis de ceux qui pensent que la faiblesse du dollar explique la hausse du brut. Alors que les stocks de l’OCDE augmentent, que la demande est revue à la baisse, que la production de l’Opep augmente et que la saison des ouragans est relativement clémente, c’est le dollar qui semble bien être la principale explication“, déclarait en janvier dernier aux Echos Anatol Feygin, responsable de la stratégie matières premières chez Bank of America.

Les banques centrales des pays exportateurs de pétrole gèrent différemment leurs réserves de changes depuis quelques années, et ne souhaitent plus détenir uniquement du dollar. Une partie des contrats pétroliers, libellés en dollars, est revendue pour acheter de l’euro et du yen, ce qui exerce une pression sur la devise américaine. Les statistiques macro-économiques sont elles aussi à même d’exercer une influence sur les cours, les Etats-Unis étant incontournables du point de vue de la consommation et les premiers signes de ralentissement de l’économie se faisant sentir.

Une piste d’accalmie potentielle réside dans le progrès technique. La montée de la demande mondiale, provenant notamment de la Chine et de l’Inde, est un facteur intégré de longue date par les investisseurs, couplé à une diminution des réserves. Or, il apparaît que les progrès techniques et les investissements font régulièrement progresser le nombre d’années de réserves prouvées: de 29 années de réserves en 1980, on est ainsi passé à 46 en 2007. Encore faut-il les exploiter correctement, comme le démontrent les problèmes rencontrés par bon nombre de raffineries qui doivent également faire face à une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, tout comme dans les cellules de recherche des majors. De quoi faire de nouveau progresser les dépenses des compagnies, mais pas pour le bonheur des consommateurs.

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A propos de l'auteur
Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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