Le fonctionnement des marchés agricoles est au centre de l’attention des décideurs, qui multiplient les prises de position sur le meilleur moyen de garantir la sécurité alimentaire pour les années à venir.
La question du trading sur les matières premières agricoles fait l’objet, depuis quelques semaines, d’un vif débat parmi les décideurs politiques et économiques. Dernier en date, le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire, dans la droite ligne de la position adoptée par le chef de l’Etat le mois dernier : « Nous avons connu en 2008 des émeutes de la faim. Si nous n’apportons pas des solutions concrètes, rapides et efficaces, nous connaîtrons de nouvelles émeutes de la faim », a-t-il averti vendredi dernier, en prélude à la réunion des ministres des Finances du G20.
Signe de l’importance du problème, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) vient de publier un guide à l’intention des pays en développement, afin de sensibiliser les décideurs à l’impact et aux opportunités relatifs à l’accroissement des prix des denrées alimentaires. Les familles les plus pauvres y dépensent jusqu’à 80% de leurs revenus en alimentation, un poste particulièrement important et éminemment sensible politiquement. Pas question, toutefois, d’aller à contre-courant des pratiques en vigueur : « il faut veiller à ne pas adopter de mesures susceptibles de porter préjudice au marché existant. Il faut s’efforcer d’obtenir la pleine coopération des opérateurs du marché pour affronter la situation », conseille l’organisation.
« Si les gouvernements agissent de concert, cela peut atténuer les variations extrêmes des prix et donc mieux protéger les consommateurs et producteurs vulnérables », explique pour sa part Angel Gurria, secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Pour le patron de l’OCDE, la transparence constitue le maître-mot, une meilleure information sur les marchés étant primordiale. Il n’en demeure pas moins réaliste, en rappelant que les marchés agricoles ont « toujours été volatils ». Les parcelles destinées à la fabrication de biocarburants, empiétant sur celles dévolues à la production alimentaire, sont également incriminées : leur subventionnement permet leur développement, mais sans réel impact environnemental selon lui.
Afin de dénouer la situation, de nombreuses suggestions ont été émises lors d’une séance plénière consacrée, la semaine dernière, à ce sujet au Parlement européen. Les députés semblent, selon le communiqué de presse, déterminés à adopter de nouvelles mesures permettant de garantir la sécurité alimentaire, notamment en n’envisageant pas de nouvelles mesures de restriction à l’exportation : préconisée par la FAO, cette doctrine a pour objectif de limiter l’incertitude des investisseurs sur le comportement des marchés mondiaux. De plus, un accroissement des pouvoirs accordés à la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers pourrait être effectué : cet arbitrage reviendra, en dernier ressort, à la Commission européenne.
La sécurité alimentaire transite également, selon un rapport commandé par le gouvernement britannique, par une redéfinition du système de production. Le document insiste notamment sur l’utilisation des organismes génétiquement modifiés, qui suscitent le rejet d’une partie de la population. Si l’opinion des personnes s’y opposant « ne doit pas être exclue », l’utilité des nouvelles technologies (OGM, nanotechnologies, clones…) doit être soupesée. L’information des consommateurs doit également être renforcée, afin d’éclairer ces derniers dans leurs choix. L’équilibre entre offre et demande alimentaire pourrait ainsi être corrigé par des mesures prises dans ce sens, les ressources naturelles étant consommées à un rythme plus important que leur renouvellement.
L’enjeu de telles préoccupations ? Nicolas Sarkozy a commencé à l’esquisser, fin janvier à Davos : « La prochaine guerre ou conflit économique pourrait avoir lieu autour de la rareté des ressources si nous ne gérons pas le problème ensemble ».