De nombreux agriculteurs peinent à équilibrer leurs comptes. La profession est sujette à un nombre inquiétant de suicides.
Chez les agriculteurs exploitants, le risque relatif de décès par suicide est 3,1 fois supérieur à celui des cadres pour les hommes. Ces données, issues d’une enquête réalisée par l’Institut de veille sanitaire, illustrent le désarroi au sein duquel est plongée la profession, représentée dès ce samedi au Salon international de l’agriculture. Alors que les besoins en produits agricoles ne cessent de s’accroître au niveau mondial, les agriculteurs français doivent faire face à de fortes difficultés financières et un environnement réglementaire qui tend à se renforcer.
« L’agriculture, c’est une protection sociale moins bonne et un métier plus à risques que les autres : aléas climatiques, incertitude économique avec la mondialisation… », explique à La République du Centre Michel Masson, responsable de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles dans le Loiret. L’exploitant joue son capital en fonction de sa récolte, laquelle est donc soumise à de nombreux aléas. Les soubresauts climatiques de ces derniers mois sont venus renforcer la contrariété des exploitants, qui doivent également appréhender la stagnation des prix à la production.
Le lait et le porc figurent parmi les produits les plus affectés. « En 1985, le lait était payé 289 € les 1.000 litres, et 351 € en 2008. Une légère hausse est intervenue depuis, mais elle couvre à peine le prix de revient », constate dans Ouest-France un agriculteur breton.
Une évolution du discours est toutefois à relever dans les déclarations recueillies par la presse quotidienne régionale : à la grande distribution, régulièrement pointée du doigt pour les conditions imposées à l’achat, succède un réquisitoire contre la spéculation dont sont l’objet les produits agricoles, avec l’impossibilité de fixer des règles permettant de garantir la couverture des coûts de production et un revenu minimal. Lors de sa dernière conférence de presse, le président de la République s’était élevé contre les dérives de la financiarisation de ce marché. Nicolas Sarkozy avait commencé à évoquer les difficultés de la profession lors d’un déplacement en Alsace à la mi-janvier.
« Je n’accepte pas que leur revenu annuel moyen plafonne à 12.400 euros. Nous devons nous battre pour lutter contre la volatilité des coûts de l’alimentation animale qui est aujourd’hui dangereuse pour les éleveurs. Est-il normal que 40% des céréales produites sur notre territoire soient commercialisées aux éleveurs sans aucune garantie de prix », s’était-il alors interrogé. Il a également milité pour un maintien de l’enveloppe de la politique agricole commune, dont environ 10 milliards d’euros sont alloués aux agriculteurs français sous forme d’aides.
Capitalisant sur ces problèmes, l’assureur Groupama expérimente une assurance revenu auprès d’une centaine d’éleveurs de porcs et de blé/colza, en Bretagne et dans le Nord. Cette « protection par l’assureur du revenu agricole » compléterait l’assurance récolte. La marge brute fait l’objet d’une garantie pour les premiers, tandis que les seconds sont couverts contre le risque de baisse du chiffre d’affaires, lequel étant calculé selon une moyenne quinquennale.
Aux arduités financières s’ajoutent notamment celles de la santé : l’Agence nationale de sécurité alimentaire va consacrer cette année un important programme à l’exposition des agriculteurs aux pesticides. Un autre motif d’inquiétude sujet à polémique, en raison des pratiques diverses en la matière.