A Paris, près de la Bastille, 38 becs pression sont disposés au bar à cocktails The Honey Moon. Un concept novateur, qui va devoir convaincre.
On avait connu Ben Cooper et Mike Jordhoy au Lulu White, bar à cocktails de Pigalle (fermé depuis février dernier), où ils ont passé quatre ans derrière le comptoir, jusqu’à début 2022. On appréciait leur sympathie et la créativité de leurs drinks. C’est donc avec impatience que l’ouverture de leur propre bar, The Honey Moon, était attendue. Un projet qui a mis, au total, deux ans à éclore, avec de nombreuses péripéties liées aux travaux, avant l’inauguration in fine fixée samedi 20 mai, autour d’un concept novateur : 38 becs pression, qui donnent à l’établissement un air de taproom qui ne dépaysera pas les amateurs de bière craft.
27 cocktails à la pression, 5 vins, 5 bières (Deck & Donohue) ainsi qu’un soda seront, à terme, disponibles. “Après les confinements, tous les bars avaient moins de staff. Nous avons cherché un moyen de pouvoir tenir un bar avec une équipe réduite, mais en gardant le même objectif de qualité”, explique Mike Jordhoy, cofondateur. Pour l’heure, le temps de préparation en amont est estimé à 40 heures par semaine. Les cocktails sont préparés en grandes quantités, à l’exception des cocktails classiques qui peuvent rapidement être réalisés à la main, comme l’old fashioned. L’équipe attend encore des réglages sur la glace, même si elle dispose de sa propre machine.
“Le plus difficile est d’expliquer que nous faisons de vrais cocktails, ce qui se confirme facilement lors de la dégustation”, poursuit Mike Jordhoy, qui se satisfait d’avoir plus de temps pour échanger avec les clients. “En fûts, on peut plus facilement ajouter des bulles et travailler avec les agrumes. Un colis de citron vert peut revenir cher, tandis que nous fabriquons du superjus (acides en poudre, zestes de citron, jus de citron)”, ajoute Emily Reynolds, bartender, auparavant passée par l’Hôtel de Crillon. L’achat des spiritueux peut aussi s’effectuer en vrac. Quatre employés ont été recrutés pour l’ouverture, dont l’ancien portier du Lulu White.
Des classiques on tap
Le bar prend place à proximité immédiate du Moonshiner (bar à cocktails speakeasy depuis dix ans) et en retrait de la plus festive rue de Lappe. L’architecture intérieure s’inspire (trop) des clubs de nuit, avec des néons à souhait et l’impression d’être en discothèque. Le menu se découpe en quatre catégories : “No bubbles, yes citrus”, “No bubbles, no citrus”, “Yes bubbles, yes citrus” et “Yes bubbles, no citrus”. Des clefs d’entrée qu’il convient de décrypter, même si la présence en masse de grands incontournables du cocktail (Sex on the beach, Margarita, Cosmopolitan, Aperol Spritz, whiskey coca…) devrait permettre d’élargir la cible aux clients moins rompus à cet univers. Les prix varient de 12 à 13 euros.
De manière surprenante, le manager nous suggère de découvrir le mojito (rhum Angostura Reserva, vermouth acidulé): “il s’agit d’un plaisir secret des bartenders, qui apprécient de le redécouvrir grâce à cette recette efficace. Il est difficile de trouver un mojito de qualité.” Particulièrement doux au premier abord, le cocktail, plus dense qu’un mojito traditionnel, devient acidulé, comme un bonbon, au fil de la dégustation. L’occasion, également, de se pencher sur le whiskey coca (Bourbon Even Williams, cherry cola), que l’on aurait pas songé trouver, voire même demander, dans un bar à cocktails : un drink porté sur la cerise, qui cache bien son jeu vis-à-vis du whiskey.
Autre cocktail classique, qui tire ici profit de son passage en fûts, le Nitro espresso Martini, au cognac H by Hine. Un mélange composé d’azote à 70% et de CO2 à hauteur de 30% est utilisé. De petites bulles se forment, pour constituer une belle mousse. Le café est présent au nez, mais il convient d’attendre la fin de bouche pour que ses arômes se développent. “Nous réalisons un cold brew avec des grains de café d’Ethiopie qui ont une saveur très fruitée”, précise Emily Reynolds. Une liqueur d’espresso (Borghetto) est utilisée à la place du café. Le contraste entre la pétillance du cocktail et les notes torréfiées mérite le détour.
Des créations accessibles
Parmi les créations, impossible de faire l’impasse sur The Honeymoon, le cocktail qui porte le nom du bar, dans la rubrique “No bubbles, yes citrus”: calvados Coquerel, Cointreau noir (avec du cognac), Bénédictine (liqueur), citron. Visuellement, le cocktail s’apparente a un daiquiri, une impression confirmée au nez puis en bouche. “Le mélange du calvados, du triple sec et de la Bénédictine donnent un côté très miel”, indique Mike Jordhoy suite à la dégustation de ce cocktail très rassurant. Plus pointu est le Mizuwari n°2 : Monkey Shoulder, thé vert genmaicha (qui permet d’allonger le cocktail lors de la dégustation), sauce vanille-soja pour un mélange résolument doux, contrecarré par la légère puissance du whisky.
L’entre-deux à mi-chemin entre des incontournables du cocktail et des recettes plus exclusives est incarné par l’Honey Pot Spritz (whisky Smokey Monkey, hydromel Bulles de ruche, crème de poire, liqueur de noisette Frangelico). “Les gens qui n’aiment pas le whisky tourbé apprécient ce cocktail”, observe le manager. Une belle longueur en bouche caractérise le drink, marqué par le miel en fin de bouche – et de faux airs de gin tonic.
Le temps est venu de terminer par un sympathique vin orange (Pirouettes Eros) et d’interroger les bartenders sur leur look – “on ne souhaitait pas être classique, mais plus proche des années 70” – pour relâcher la pression.
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