A l’occasion des 30 ans de Disneyland Paris, ses concepteurs, les Imagineers de Walt Disney Imagineering, sont revenus sur leurs inspirations et les phases clefs de l’élaboration des parcs d’attractions.
Cette année, Disneyland Paris célèbre son trentième anniversaire. “Les Imagineers ont créé des expériences absolument immersives”, ont souligné, lors d’une conférence organisée le 12 avril dernier, Carmen Lleo Badal et Quentin Rodrigues, ambassadeurs 2022-2023 de la première destination touristique d’Europe. L’implantation de Disney en France a nécessité de nombreuses adaptations, rappellent les Imagineers, des architectes et designers chargés de l’expérience dans les différents parcs Disney, dont l’un des chantiers actuels réside dans l’extension-rénovation de Walt Disney Studios.
A l’Avengers Campus, le nouveau land qui ouvrira cet été, “les visiteurs vont entrer dans le campus, qui recrutera de nouvelles recrues, pour sauver le monde”, détaille Bjorn Heerwagen, directeur show design & production chez Walt Disney Imagineering. Un univers futuriste très éloigné du château de la Belle au bois dormant, ou des histoires contées à travers le Parc Disneyland, pour lequel les champs de Marne-la-Vallée (Seine-et-Marne) ont offert une carte blanche.
“Lorsque l’on part de la station RER et que l’on va vers l’entrée, avec la musique, voir que tout est resté identique depuis trente ans, et s’est amélioré, fait plaisir. Après les difficultés des deux dernières années, les clients sont heureux de revenir de nouveau. Le plus satisfaisant, dans notre travail, est de voir comment il touche la vie des gens. Il y a également des cast members qui travaillent pour garder cette magie en vie”, observe, dans les locaux de l’hôtel New York – The Art of Marvel, Tony Baxter, longtemps vice-président senior du développement créatif de Walt Disney Imagineering. Il a notamment convaincu la direction de passer du nom d’Euro Disney à celui de Disneyland Paris en 1995, afin de mieux relier le parc à la ville.
Le château, pièce typiquement française
Avec de premières esquisses du projet en 1985 et la signature de la convention entre la Walt Disney Company, l’Etat, le département, la région et la RATP en 1987, les Imagineers ont dû rapidement imaginer quel aspect prendrait la pièce maîtresse d’un parc Disney, le château, dans un pays qui en compte plus de 40 000. “Il fallait sortir de l’ordinaire – si je l’avais su, jamais je ne l’aurais fait ! Nous avons fait beaucoup de recherches, et j’ai lu beaucoup de contes classiques. Il fallait un château plus doux, plus médiéval, moins orienté vers la Renaissance”, retrace Bjorn Heerwagen.
La première inspiration assumée était alors le Mont Saint-Michel, qui est un village. De nombreux détails ont aussi été tirés des châteaux français. Afin que le château soit visible de loin, choix a été fait de le placer sur une colline, avec, autre particularité de Disneyland Paris, un dragon dans l’espace disponible au sous-sol. En 2021, le château a été rénové, avec le concours du spécialiste de la rénovation de monuments historiques Le Bras Frères, qui a réalisé la majeure partie du chantier en atelier.
La construction du parc et de ses différents espaces s’est effectuée en quatre ans, entre 1988 et 1992, dans les conditions climatiques propres à la Brie… et les moyens de l’époque. “Nous allions sur le site de construction, dans la boue, et nous nous appelions par radio pour savoir ce qui se passait en-dehors de notre zone. Il y avait une équipe avec beaucoup de gens, notamment jeunes, qui n’avaient jamais construit de parc d’attractions auparavant. Nous avons créé des amitiés qui sont devenues durables”, se remémore Beth Clapperton, directrice artistique. Tous les décors ont été réalisés à la main (les Sept nains ou l’atelier de Gepetto à Fantasyland, par exemple).
Des attractions et des lands repensés
A Marne-la-Vallée, nombreuses sont les attractions importées des parcs américains à disposer de spécificités. “Dans tous les autres parcs, Big Thunder Mountain a été construit loin du centre, en dernier. A Disneyland Paris, nous avons réussi à construire, je crois, la meilleure version”, commente Tony Baxter. L’idée était de rappeler l’époque de la ruée vers l’or, et faire entendre les cris des visiteurs dans le manège. Pour pallier à la fin de parcours “plus faible” de la montagne russe, choix a été fait de faire plonger les trains au-dessous du niveau de l’eau et en remontant à la surface, comme au démarrage.
Une attraction accessible à Frontierland, que l’on peut rejoindre facilement à pied depuis Fantasyland et son porche, la seule entrée véritablement matérialisée d’un land, une première. “En Californie, Adventureland, c’est la jungle. Le mythe oriental est assez populaire en Europe ; les histoires européennes sont populaires aux Etats-Unis”, rappelle Tony Baxter. Face aux difficultés posées par la multiplicité des langues en Europe, choix a été fait de raconter l’histoire des pirates sans utiliser de mots. Même principe pour la maison hantée Phantom Manor, qui permet, au premier regard, de savoir où l’on se trouve. Les Imagineers rappellent que du foncier est disponible pour d’éventuelles nouveautés à cet endroit.
Une conception plus difficile pour Discoveryland, différent des autres Tomorrowland, où doit se raconter le futur tel qu’imaginé lors des plans. “A Disneyland Paris, nous avons pris des inspirations de Léonard de Vinci et de Jules Verne. On a décidé de créer un lieu animé, vivant, et plus que tout avec une vision de l’avenir intemporelle”, raconte Tim Delaney, ancien show producer. En 1995, ce land a été enrichi par l’arrivée de Space Mountain (Discovery Mountain à l’origine) et sa technologie permettant de catapulter les visiteurs dans l’espace. La fréquentation, sujet épineux à l’époque pour le parc français, a rapidement grimpé.
Walt Disney Studios, un projet difficile
Autre épine dans le pied des Imagineers, la création du deuxième parc Walt Disney Studios, à l’origine Disney-MGM, annoncé pour 1995 et finalement inauguré en 2002, permettant d’honorer un des engagements de Disney lors de son implantation. “C’était un moment difficile dans l’entreprise. Nous avons continué à faire des allers-retours à Paris. L’espace foncier devait être rempli, au risque d’être perdu – or, à l’époque, le groupe ne comptait plus développer de parc d’attractions. Pour la première porte, nous travaillions sur les films traditionnels ; pour la deuxième porte, nous avons eu recours à d’autres films”, explique Tom Morris, ancien show producer.
L’idée d’utiliser des courts-métrages français a été retravaillée sous forme de scénario avec un acteur, pour Cinémagique (arrêté en 2017). Par la suite, Toy Story Playland, un petit land, a été construit, en réduisant la taille du visiteur à celle d’un jouet. Un projet reproduit dans d’autres parcs. Lorsque le film Ratatouille est sorti en 2007, a germé l’idée d’avoir une référence à la cuisine française à Disneyland Paris. Chose faite en 2012. En Floride, depuis 2021, l’attraction a été déclinée, en deux langues.
Un Disneyland Hotel royal
En plus des nouveautés à venir à Walt Disney Studios, Disneyland Paris restructure actuellement le Disneyland Hotel, son hôtel situé au-dessus de l’entrée du Parc Disneyland – un parti-pris soumis, à l’époque, à débat. L’établissement sera repensé sur le thème de la royauté. Un nouveau logo (une couronne et cinq étoiles) a été dévoilé. De quoi passer de potentielles belles nuits à Marne-la-Vallée.