Autour des bars et des restaurants, les acteurs de l’événementiel et de la formation sont aussi pénalisés par le reconfinement, et la baisse de l’activité touristique et marketing.
Le reconfinement n’affecte pas seulement les commerces non-essentiels, bars et restaurants, mais aussi les professionnels de l’hospitalité. Barmans événementiels, consultants, formateurs… Ils ont dû trouver des solutions pour continuer à promouvoir leur savoir-faire, dans une industrie en quête d’un rebond.
Trouver des solutions
A Paris, Jérôme Vallanet, depuis douze ans gérant de Forma Bar, assure des prestations de formation pour les particuliers et les professionnels (organisateurs de salons, foires, concours…), des ateliers et de l’audit… autour du monde du CHR, du bar et des boissons.
“De juin à novembre, je suis à -95% de pertes par rapport à mon chiffre d’affaires de l’an dernier. Nous sommes de nombreux acteurs du secteur à être gérants, travailleurs non-salariés. Nous n’avons pas de sécurité, et on se bagarre pour avancer”, témoigne Jérôme Vallanet. Les charges continuent de courir, et les aides ne suivent pas. Une reconversion est envisageable pour continuer à perdurer. “J’ai un savoir-faire à commercialiser”, souligne Jérôme Vallanet, qui a hâte de pouvoir le remettre en avant dès que possible et attend avec impatience la reprise pour accompagner ses clients. Il continue d’activer ses réseaux.
A la sortie du premier confinement, le barman-consultant n’a pu assurer que quelques formations. Faute de réservations, des ateliers cocktails pour les particuliers ont dû être annulés : “les gens étaient fébriles à sortir et à se réunir”. Faute de pouvoir organiser des rassemblements à plus de six ou dix personnes, les défilés, les soirées en grand format ou les événements marketing ont été annulés pour la majorité d’entre eux. Plusieurs de ses clients travaillent par ailleurs avec des touristes internationaux ou ont besoin d’organiser des animations pour leurs clients ou partenaires.”
Chez Oggy Wawa, une boutique parisienne spécialisée dans la vente de matériel de bar, des coffrets seront lancés pour les fêtes de fin d’année afin que les gens puissent réaliser des cocktails à domicile : “nous essayons tous de prendre des initiatives”.
S’adresser aux particuliers
A Rennes (Ille-et-Vilaine), Yoann Demeersseman a lancé en 2018 Cocktailier, parallèlement à la parution de son livre Mon cours de cocktails (éd. Dunod). Récompensé au niveau national et international (Gourmand world cook awards, à l’été 2019 en Chine), le livre lui a ouvert des portes, notamment auprès du grand public. J’ai eu beaucoup de dédicaces dans des librairies, des salons professionnels, des événements bien différents de l’univers du bar… De nouveaux contacts et une nouvelle structure, dans la continuité d’une entreprise de formation et de conseil, Culture Bar, qu’il a tenu entre 2012 et 2017, parallèlement à ses activités d’enseignant en Mention complémentaire bar.
“Ma clientèle était déjà constituée de bars et de marques. Cette clientèle est née par rapport aux prix que j’ai pu remporter en tant que bartender. J’ai notamment travaillé avec Pernod Ricard et Dugas, ce qui m’avait permis d’être présent sur différents événements nationaux et internationaux”, précise Yoann Demeersseman, qui a créé à Rennes, en octobre 2019, l’Atelier Cocktailier, un lieu permettant de créer des cocktails et d’accueillir des formations.
Les premiers mois, il a accueilli des professionnels. “J’ai inauguré le lieu en janvier 2020 en conviant les professionnels du bar du grand Ouest. J’avais un calendrier particuliers, et un calendrier professionnels. Tout était complet jusqu’en juin, à hauteur de 20% de particuliers (sous forme d’entreprises en team-building) et de 80% de professionnels du secteur de la restauration et des boissons”, explique le barman.
Le premier confinement a été annoncé mi-mars. “Jusqu’à la fin du mois de mai, je n’ai eu aucune activité sur Cocktailier. J’ai dû revoir toute mon activité. Depuis dix ans, toutes les semaines, je suis en déplacement pour former des équipes de bar ou pour accompagner des marques. Depuis le mois de mars, je peux compter sur les doigts d’une main les déplacements que j’ai pu faire ! A l’ouverture, je n’avais pas d’offre pour le grand public. J’ai construit cette offre (en solo, duo et à six personnes)”, témoigne Yoann Demeersseman, qui a in fine réalisé, de juillet à octobre, l’équivalent de son chiffre d’affaires de l’an dernier.
Pour les professionnels, le barman a réalisé un tour des producteurs en Bretagne et Normandie, afin de faire connaître son savoir-faire et découvrir leurs produits. Il a pu aboutir à deux-tiers de clientèle professionnelle régionale : des producteurs de cidre, de jus de fruits, de whisky, de calvados, de gin… à qui il propose une expertise sur des modes de consommation liés aux spiritueux, soit des idées de créations cocktails, ou des invitations à l’atelier. Autre changement majeur, le digital. “Il ne faut pas négliger que le premier confinement a vu naître le distanciel. Ces derniers mois, les deux-tiers de mon activité se sont effectués à distance. Avec le reconfinement, l’activité physique qui était complète jusqu’à la fin de l’année est à l’arrêt, mais novembre-décembre ne seront pas à zéro”.
Il a créé une box de Noël, par rapport à une prestation que nous avons eu avec un client international qui souhaitait disposer de vingt cocktails box pour son réseau en France, avec une visioconférence, à l’été 2020. Dans les cartons, il y avait un équipement de barmans avec un copper boston shaker, une passoire… ainsi que les ingrédients qui composent les cocktails et, en bonus, le livre. Pour les particuliers, le coffret contient les ingrédients pour faire une caipirinha 100% bio (cachaça bio, citron vert bio, sucre en poudre bio, pilon, bar spoon, jigger). Des visioconférences sont prévues durant les fêtes.
Miser sur le digital
Stephen Martin souligne aussi l’importance du digital. Il a mis sur pied, avec Geoffrey Garcia, un salon dédié à la promotion des spiritueux français, French Spirits Online… entièrement digitalisé. Un changement pour cet habitué des salons, brand ambassador pour plusieurs marques (dont Saint James), et consultant (Le Bar français). “Le Covid a réveillé des natures, et révélé de nouveaux usages”, constate Stephen Martin.
Si son activité de consultant s’est fortement réduite, ses missions d’ambassadeur ont continué dès le premier confinement. “En une semaine, tout le planning de l’année a disparu. Mon métier est de prendre la parole. Au bout d’une semaine, j’organisais une masterclass en ligne par exemple. Cette activité d’ambassadeur s’est reportée sur le digital. Les gens sont là. Les marques avec qui je travaille ont décidé de poursuivre.” “On passe du temps à organiser les choses en amont”, rappelle-t-il.
Nombre d’acteurs attendent des signaux forts de la part de l’Etat.
Photo: Jia Jia Shum / Unsplash