Le modèle associant sécurité et flexibilité sur le marché du travail est affecté par la rigueur budgétaire et un contexte économique difficile. La sécurisation des parcours professionnels s’avère par ailleurs particulièrement complexe à développer.
Etudié dans le monde entier, le modèle danois de flexisécurité va-t-il perdre de sa superbe ? Depuis le 1er juillet, la durée des indemnités chômage est passée de quatre ans à deux ans pour les salariés, un détricotage en règle de l’aspect « sécuritaire » du système. « L’objectif du modèle danois est de faire intégrer rapidement les gens au marché du travail. Et non de laisser les chômeurs assistés pendant des années. Deux ans c’est déjà long comparé à d’autres pays », a expliqué la ministre du Travail Inger Stoejberg (centre-droit).
La rigueur budgétaire a eu raison d’une des plus longues durées d’indemnisations au monde. Afin de résorber le déficit, actuellement de 5,5% du PIB (l’objectif de 3% devant être atteint en 2013, à l’instar de la France). Comme dans l’Hexagone, la mission sera, pour le gouvernement danois, de réaliser d’importantes économies tout en minimalisant l’impact sur la croissance. Un abaissement des salaires ministériels ainsi que des coupes dans les allégements fiscaux et l’aide à la coopération sont au programme.
Objectif notamment porté par la stratégie de Lisbonne (adoptée en 2000 par la Commission européenne puis révisée en 2005), la flexisécurité s’avère plus difficilement applicable que prévu. De nombreuses économies européennes tentent tant bien que mal de faciliter les modalités de licenciement et, en compensation, d’accroître les garanties apportées aux travailleurs, sans parvenir à trouver véritablement le juste équilibre. Sont identifiés, au niveau européen, quatre composantes de ce système : une législation forte sur la protection de l’emploi, un dispositif de formation tout au long de la vie, des politiques actives en matière de marché du travail, et enfin la modernisation et amélioration du système de protection sociale.
L’appréhension de risques majeurs liés à l’emploi comporte des conséquences économiques et sociales fortes, un élément dont la prise en compte s’avère essentielle en période de crise. Le montant des revenus de compensation distribués par l’assurance-chômage en cas de perte d’emploi pourrait, en cas de fort développement d’un dispositif de flexisécurité, être amené à s’accroître de manière significative. Du côté des entreprises, la faiblesse de la demande peut, dans un certain nombre de secteurs, contraindre à des suppressions de postes et licenciements, et affecte de facto l’aspect « aisé » des procédures d’embauche.
La crise touche l’ensemble des systèmes
En France, les accords nationaux interprofessionnels du 11 janvier 2008 et du 8 janvier 2009 ont introduit une batterie de mesures déclinant des éléments forts du modèle de flexisécurité, avec un bilan mitigé à l’heure actuelle. La rupture conventionnelle du contrat de travail, ouvrant la possibilité d’une séparation à l’amiable entre employeurs et salariés, se heurte à un cadre juridique mouvant. Elle concerne avant tout des séniors, limitant son champ d’action. Quant à l’objectif de formation chaque année de 500.000 salariés parmi les moins qualifiés, il demeure encore difficilement atteignable au vu de la complexité des dispositifs en place.
Les quatre grands modèles actuels, théorisés par le think-tank européen Bruegel, se retrouvent actuellement confrontés aux effets de la crise. En France, en Allemagne et au Luxembourg, les mécanismes de protection de l’emploi et de lutte contre la pauvreté sont confrontés à des restrictions budgétaire et ralentissent le redémarrage de ces pays – ils ont toutefois contribué à une chute moins forte -. Au Royaume-Uni et en Irlande, le faible niveau de protection sociale touche des salariés en proie à des salaires parmi les plus bas d’Europe. Quant aux systèmes méditerranéens (Italie, Grèce), ils s’avèrent inadaptés au rythme de vieillissement de la population.
En Finlande et en Suède, les investissements dans les mécanismes de protection sociale et les facilités octroyées aux employeurs sont remis en cause par la nécessité de réduire les dépenses publiques et une conjoncture morose. La flexisécurité semble actuellement moins reluisante… mais sera probablement de nouveau sous les feux de la rampe sous de meilleurs cieux.