Depuis le 14 mars au soir, en raison de la pandémie de coronavirus (Covid-19), les cafés, bars et restaurants sont fermés… sans date de réouverture en vue. Parmi les interrogations, figurent les conditions économiques et sanitaires de la reprise. « Nous espérons tous que cette crise n’entraîne personne dans sa chute », souligne René Delvincourt. Président de l’Association des barmen de France depuis 2018, il revient sur cette période inédite et présente l’actualité de la « Fédération des métiers du bar », selon ses statuts redéfinis.
Quel regard portez-vous sur la crise actuelle ?
Au début du confinement, la fermeture des établissements a permis de se poser. Mais très vite, dès la troisième semaine, la douleur s’est faite ressentir, les doutes se sont installés, et le questionnement sur l’avenir s’est posé. Les indépendants n’ont plus d’activité, les patrons de bars s’interrogent sur ce que seront les différentes stratégies du gouvernement (loyers, charges…) Le secteur est quelque peu malmené et la filière toute entière est sur le point de vaciller.
Peut-on déjà estimer l’impact sur le secteur du bar ?
Les estimations (pas forcement étayées) laissent présager qu’entre 20 et 25% des établissements parisiens risquent de ne pas passer la crise ; même si toutes les organisations syndicales, les institutionnels, les mairies et le gouvernement font le maximum pour éviter cela. C’est pour eux aussi que les acteurs de la filière, comme la Plateforme nationale de la vie nocturne, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), le Groupement national des indépendants hôtellerie et restauration (GNI-HCR) et d’autres se battent pour exercer une forte pression auprès du gouvernement pour essayer de faire reconnaître la situation de catastrophe sanitaire afin de déclencher les indemnisations de nos chers assureurs qui pendant des années ont perçues nos cotisations pour les pertes d’exploitation et qui aujourd’hui rechignent à verser les indemnisations de perte de chiffre d’affaires.
“Nous accompagnerons les établissements avec nos partenaires”
Quelles initiatives ont été mises en place par l’association ?
Nous relayons les documents d’information à destination des propriétaires et gérants d’établissements, et nous sommes devenus partenaires de l’opération « J’aime mon bistrot » en contribuant au dispositif d’abondement des achats des particuliers. Nous sommes en discussion avec certains de nos partenaires, pour transposer le contenu des fonds d’activation qui sont les nôtres. Ils servent habituellement à l’organisation de nos différentes manifestations (les afterworks, nos concours…) qui ne se tiendront bien évidement pas, du moins jusqu’en septembre prochain. Nous étudions donc la possibilité de les transformer, en partie, en chèques-cadeaux qui pourraient être remis à nos adhérents après une participation sur nos réseaux sociaux.
La tenue de votre « Shaker Challenge » nouvelle version est-elle toujours d’actualité ?
La première édition du « Shaker Challenge ABF » est prévue au salon EquipHotel, avec son organisateur Reed Expositions, les 18 et 19 novembre. En attendant, durant le confinement, nous comptons mettre en place un jeu, sur les réseaux sociaux, permettant d’en constituer le contenu avec des questions de connaissance générale, sur les produits utilisés dans un bar, destinées à la confection du questionnaire de l’épreuve écrite de ce concours. Ensuite, la création, chaque jour, d’un cocktail simple et rapide d’exécution, avec une décoration sobre, entre deux et trois produits seulement, dont le coût matière sera maîtrisé… Ainsi nous constituerons la liste des futurs cocktails de ce concours.
“Nous allons lancer un programme de formation”
Comment poursuivez-vous la relance de l’association ?
Avec l’Umih, la cotisation sera offerte aux barmen de leurs adhérents. Des encarts seront placés dans la newsletter et dans les documents de stage de leur département formation (3000 personnes par an). Avec le programme BeMixo de Campari France Distribution, c’est une centaine de barmen par an qui se voient offrir leur adhésion à l’ABF. Avec BLMHD, tous les inscrits aux éliminatoires du « The Bartenders Society » 2020 se voit proposer de rejoindre les rangs de l’association. Avec Christophe Davoine, président de classe du M.A.F, nous accompagnons tous ceux qui ont eu leur diplôme « Un des Meilleurs Apprentis de France ». A l’automne prochain, un plan de formation national sera lancé, avec la participation de l’institut Paul Bocuse. L’objectif final à trois ans, étant d’aller vers une certification. Nos propres concours sont reportés au 28 septembre.
Comment entrevoyez-vous l’après-crise ?
Il y a eu un avant, il y a un pendant et il y aura un après, mais lequel ? Les Français sont assez rebelles parfois ! Il y aura donc les personnes qui seront trop contentes de pouvoir enfin vivre ce qu’elles n’ont pas vécu durant le confinement, et peut-être prendront-elles des risques inconsidérés en ne respectant plus les gestes barrières ou en faisant trop la fête. Il va falloir consommer avec modération et précaution et surtout dans le respect d’autrui. Il y aura aussi les gens qui feront attention, ceux qui souhaitent avoir une vie sociale sans risque… qui pensent déjà qu’il nous faut repenser une autre façon de vivre. Rencontrer et partager, prendre un verre et grignoter restent dans notre ADN. Il nous faudra donc réinventer ce schéma. Nous qui sommes un peuple festif, allons avoir du mal à refaire la fête avec un masque et des gants. Nous vivrons un « temps nouveau » où nous devrons prévoir la place pour faire la fête. Je veux croire que cela sera possible, croire que nous pourrons créer autre chose.
Photo : Ichigo121212 de Pixabay
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