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Comment ces patrons de bars ont géré la fermeture précipitée de leurs établissements

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Bar - Comptoir et bartenders

Samedi 14 mars, la fermeture des bars et restaurants le soir-même était signifiée par Edouard Philippe. Une annonce en plein coup de feu, à laquelle ont dû faire face les responsables d’établissements, qui rappellent l’importance de veiller à la santé publique.

« C’est la vie, il faut faire preuve de civisme. On voit que la crise s’accélère, et on sait que c’est la bonne démarche. Tout le monde doit participer à l’effort. Ce n’est pas la solution la plus facile, mais la plus responsable », souligne Antonin Bonnet, chef du restaurant Quinsou et de la boucherie Grégoire, dans le 6ème arrondissement de Paris. Samedi 14 mars, 19h30. Lors d’une intervention télévisée, le Premier ministre Edouard Philippe annonce la fermeture des commerces « non indispensables à la vie de la Nation », parmi lesquels les restaurants et débits de boissons. Une fin d’activité communiquée en plein service, pour une fermeture à minuit.

« Samedi, j’étais en pleine privatisation, avec 60 personnes au lieu de 80. Dans le rush, j’ai reçu de multiples appels de proches m’indiquant que le bar devait fermer à minuit. Nous avons expliqué la situation aux clients, qui ont très bien compris. Il y a eu d’un coup une pression, l’angoisse. L’ambiance a changé dans le bar », décrit Christopher Gaglione, propriétaire du Solera, un bar à cocktails du 5ème arrondissement de Paris.

« Tout le monde savait que la fermeture allait arriver. La fermeture des écoles avait été annoncée dès le jeudi soir. Par contre, l’apprendre samedi soir 20 heures pour une fermeture à minuit, alors que les élections étaient maintenues et que les écoles fermaient le lundi, a été brutal », estime Olivier Martinez, associé du bar à cocktails House Garden, dans le 11ème arrondissement. « Nous étions en réservation avec des clients qui venaient de loin, et nous avons dû leur expliquer l’obligation de fermer. A minuit, la police était dans la rue », poursuit Mathieu Stanislas Laytou, ce soir-là chez Avek (2ème arrondissement).

Des interrogations multiples sur le suivi administratif et financier

Passée la surprise de l’annonce, encore a-t-il fallu s’organiser. « Au vu des exemples à l’étranger, nous avions déjà anticipé la possibilité de fermer les établissements dans les jours à venir. Le soir-même, forcément, c’était différent. Nous avons demandé aux équipes de terminer leur shift, de fermer. Le lendemain, nous sommes revenus pour nettoyer les bars, essayer de sauver les consommables et fermer les locaux », explique Romain Le Mouëllic, directeur des bars Le Syndicat Cocktail club (10ème arrondissement) et La Commune (20ème arrondissement). Même procédure dans les autres bars interrogés – réaliser un gros ménage avant, congeler ce qui pouvait l’être, se partager les denrées restantes et mettre l’alarme.

Cette fermeture précipitée n’est pas sans conséquences sur le personnel, au chômage. Privés de cours pour cause de fermeture des établissements scolaires, les alternants, qui doivent être en entreprise le reste du temps, ne peuvent plus l’être. « Pour eux, l’année scolaire est fichue », regrette un gérant de bar. Dans les conditions actuelles, un de ses alternants, qui a plus de 25 ans, a quitté son poste.

Les comptables des différents établissements sont mis à contribution pour gérer la question du chômage pour les salariés en poste, en naviguant à vue – pour l’heure, le décret prévoit une fermeture des établissements recevant du public jusqu’au 15 avril. Une des interrogations récurrentes porte sur les différentes prises en charge annoncées par l’Etat. Certaines banques ont reporté les crédits de six mois, d’autres non. Les loyers continuent à tomber. La situation de la trésorerie et du fonds de roulement fait également partie des préoccupations des chefs d’entreprise.

Un arrêt consécutif à la période de grèves

Cet arrêt des établissements intervient dans une saison 2019-2020 difficile. « Les gilets jaunes, la grève des transports et maintenant la fermeture font que beaucoup de bars risquent de se retrouver à sec », alerte le gérant d’un bar parisien. L’éventuelle réouverture aux beaux jours risque de pénaliser les établissements n’étant pas dotés de terrasses. « Nous commencions à peine à nous en sortir. En janvier, cela commençait à très bien reprendre, avant un très bon mois de février qui nous laissait espérer que nous étions sur une bonne trajectoire », ajoute Christopher Gaglione, dont la fréquentation du bar a chuté de moitié lors du dernier mouvement de grève.

Le groupe Syndicat Cocktail Club réalise également des prestations événementielles. Une activité dont le redémarrage complet ne sera pas immédiat, considère Romain Le Mouëllic : « nous avons déjà des annulations sur le deuxième semestre, puisque les budgets sont coupés sur l’année. Beaucoup de marques de spiritueux sauvent les meubles. Je pense que l’activité va être impactée durant plusieurs mois. » Dans le secteur, plusieurs rendez-vous chers aux professionnels sont par ailleurs reportés – le Rhum Fest Paris doit se tenir en juillet au Parc floral (et non fin avril), tandis que le salon Cocktails Spirits, qui bénéficie d’un fort rayonnement à l’international, habituellement organisé en juin, devrait l’être en septembre.

Tous les managers de bars et restaurants que nous avons interrogés tiennent à le rappeler : la priorité, dans le contexte actuel, est donnée à la préservation de la santé et au soutien aux personnels hospitaliers. Pour maintenir un lien avec leurs équipes durant la période de confinement, ils ont plusieurs idées : les faire plancher sur de nouvelles cartes en vue de la réouverture, ou imaginer de nouveaux projets. « A la reprise, j’espère que les gens vont sortir et vont fêter ça », lance Olivier Martinez. Veiller à soi et à la santé des autres en attendant l’amélioration de la situation, tel est le leitmotiv des bartenders.

Photo : Free-Photos de Pixabay

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Journaliste dans la presse professionnelle, j'édite Business & Marchés à titre personnel depuis 2007.
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