Un accord met en exergue la nécessité de renforcer la prévention du harcèlement et de la violence au travail. Une nouvelle étape dans la lutte contre ces risques.
La signature, la semaine dernière, par l’ensemble des syndicats d’un accord consécutif à la négociation sur le harcèlement et la violence au travail fait office d’étape significative dans la reconnaissance des risques psychosociaux. Ce texte incite, selon le ministre du Travail Eric Woerth, « les employeurs, en concertation avec les salariés ou leurs représentants, à identifier et prévenir deux aspects des risques psychosociaux ». Il s’appuie sur un accord-cadre conclu il y a trois ans au niveau européen, et permet de compléter l’accord interprofessionnel de 2008 sur le stress.
Le second Plan de santé au travail (2010-2014) devrait prendre en compte le harcèlement et la violence en milieu professionnel, tandis qu’un arrêté ministériel permettra d’étendre les clauses de l’accord nouvellement conclu à l’ensemble des employeurs. L’accent est mis sur la sensibilisation à chaque échelon de l’entreprise, en s’appuyant sur l’article L-1152-1 du Code du Travail. « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel », dispose ce dernier.
Ces deux risques s’ajoutent à une longue liste de problèmes, parmi lesquels le stress, récemment mis en exergue dans l’actualité. En février dernier, une liste de firmes plus ou moins bien notées selon l’avancement, de négociations entamées dans les entreprises de plus de 1.000 salariés en octobre 2009, avait brièvement été publiée. La mesure faisait suite à de nombreux suicides chez France Télécom, qui s’est récemment dotée d’une nouvelle gouvernance. Selon une étude menée par l’Institut national de recherche et de sécurité et Arts et Métiers ParisTech en 2007, la seule « situation de travail tendue », alliant forte pression et absence d’autonomie, aurait coûté sur cette période entre 1,7 et 3 milliards d’euros (absentéisme, soins et décès).
La prise en compte des risques psychosociaux par les pouvoirs publics, renforcée ces dernières semaines, ne s’effectue réellement que depuis une quinzaine d’années au niveau des instances européennes. La directive 89/391/CEE rappelait, à la fin des années 1980, que le travail doit être adapté à celui qui l’exécute. En 1993, la notion de travail monotone – à éviter – était abordée.
En 2000, le harcèlement au travail fût pour sa part considéré comme une discrimination (directive 2000/78/CE). L’accord-cadre de 2007, désormais transposé en France, constitue une étape importante dans l’appréhension du problème. Le stress a pour sa part été abordé dès 2004 dans un accord-cadre le définissant comme « un état accompagné d’affections ou de dysfonctionnements physiques, psychosociaux ou sociaux qui résultent du sentiment individuel d’être incapable de combler un manque vis-à-vis des exigences ou des attentes qui reposent sur soi ».
Une large batterie de mesures
La transposition de ces accords dans chaque pays a donné lieu à un ensemble particulièrement varié de mesures, parmi lesquels le recours à la loi ou à des actions de prévention définies avec les partenaires sociaux. La responsabilité des employeurs en la matière est au cœur du texte, grand « oublié » des récentes annonces gouvernementales. En Norvège, les employeurs sont tenus d’évaluer et de réduire les facteurs de violence et de harcèlement. En Autriche, la santé mentale des salariés travaillant sur écran doit pour sa part faire l’objet d’une attention particulière.
A l’échelon international, l’Organisation mondiale de la Santé planche sur un Plan d’action proposant l’instauration d’une surveillance de la santé mentale au travail au moyen d’indicateurs permettant une évaluation régulière des mesures engagées. Des instruments de prévention sont également au programme.
Au-delà de ces mesures et pistes de réflexion, l’organisation des entreprises est remise en cause, de simples modifications pouvant produire des effets immédiats. « Il est aujourd’hui important de réintégrer l’humain, l’individu. Un homme n’a pas la même force de travail qu’une femme. Un sénior risque de se blesser car ses réflexes s’émoussent et que, par la force de l’habitude, il est moins alerte » estimait récemment Olivier Gignoux, directeur du pôle social d’Alma Consulting Group, dans un entretien accordé à Usinenouvelle.com.
La mutation des espaces de travail en lieux ouverts constitue par ailleurs un des facteurs d’inquiétude pour de nombreux spécialistes, qui préconisent notamment la mise en place de solutions destinées à réduire le bruit. Des « bulles » de communication permettent également la tenue de conversations isolées du plateau, accompagnées d’espaces de repos.
A l’heure où 98% des chefs d’entreprise considèrent comme « très importante » leur image sociale, les annonces en matière de bien-être et santé au travail pourraient se multiplier. Une manière de se prémunir également face à de potentielles évolutions législatives, sur le modèle d’exemples étrangers renforçant les sanctions. Selon l’Organisation internationale du Travail, 6.300 personnes meurent chaque jour des suites d’un accident ou d’une maladie professionnels, soit plus de 2,3 millions de décès par an.