Leur succès est fondé sur l’intuition, la compréhension des hommes et la volonté de revanche.
Quels succès, les autodidactes ! Martin Bouygues, qui prend en main le gigantesque groupe de taille mondiale. Certes, Martin est le fils du patriarche Francis, qui a construit le groupe. Mais Martin, sous les moqueries de quelques esprits forts, l’a ensuite fait évoluer avec succès vers le téléphone mobile puis vise aujourd’hui une place dans le secteur de l’énergie. Mais François Pinault qui construit un empire à partir de rien, et surtout pas de diplôme et se hisse parmi les plus grandes fortunes françaises. A l’étranger, Jeff Taylor, lui aussi sans diplôme, fonde le site Monster.com et le hisse au rang de « cash machine » du web. Mais comment font-ils eux qui n’ont trouvé rien ni personne pour les aider pour remporter tous ces défis ? Ils sont en fait portés part trois moteurs extrêmement puissants.
C’est d’abord l’intuition et le pragmatisme. Les autodidactes ne sont pas enfermés dans des règles et des grands concepts appris à l’école. Leur esprit est libre, à l’affût des bonnes idées. Ils s’adaptent ensuite aux conditions du « terrain » pour les réaliser. C’est Xavier Niel, le bac et une maths sup, qui bondit sur les débuts du Minitel et, sans complexe, lance un service de messagerie rose qui sera à la base de sa fortune. C’est lui également qui sera l’initiateur des « box », ces boites qui permettent de traiter les données téléphone, télévision et Internet. De son expérience Minitel, il avait bien senti qu’Internet ne se limiterait pas à quelques « Geeks » et à une utilisation professionnelle.
D’où sa proposition d’une offre d’accès à bas prix. Il avait également compris que la télévision ne se limiterait pas à une dizaine de chaînes. Il avait également compris que les utilisateurs souhaiteraient que tout cet appareillage de connectique occupe la taille minimum dans leur salon. Les ingénieurs bardés de diplômes de France Télecom ne se sont pas arrêtés à des détails aussi triviaux. Ils devront ensuite imiter l’autodidacte dont la réussite est fondée sur l’intuition. Aujourd’hui, Xavier Niel possède une fortune estimée à 2,257 milliards d’euros par le magazine Challenges, ce qui le place au 23ème rang français.
Cette histoire ressemble à celle de Jean-Claude Bourrelier. Cet ancien apprenti-charcutier est aujourd’hui le riche PDG de la chaîne de magasins de bricolage Bricorama qu’il a créé à partir de rien en 1975. Comment a-t-il trouvé l’idée de se lancer sur ce créneau qui se révèlera très porteur ? « On peut appeler cela du pragmatisme. Disons que j’ai su faire marcher mon imagination et faire confiance à mes qualités naturelles », répond-il lorsqu’il est interrogé par le journal Les Echos. Là encore, le succès est au bout du chemin.
Mais une fois l’idée, il faut la réaliser et cela demande de l’énergie et de sérieuses qualités de leader d’hommes. Il en faut car comment s’imposer sans la parure d’un diplôme sinon par ses qualités personnelles ? C’est le cas d’Eric Jacquemet, le patron de TNT Express, filiale française d’un géant de la messagerie américain. Il entre chez Jet services, l’ancêtre de TNT France comme commercial à Bac +2 . Il grimpe les échelons un à un, devient directeur commercial, puis directeur général, en 1999, lorsque Jet services devient filiale de TNT, puis PDG en 2004. Le journal La Tribune note : « Eric, amoureux de la voile, ressemble au skipper d’un navire qui a commencé comme matelot. Lorsqu’il monte sur le pont dans la tempête, les marins sont rassurés. Ils savent qu’il connaît le bateau de la poupe à proue et dans les coins ».
Eric Jacquemet entretient cette position de leader en se préoccupant de l’avenir des salariés de l’entreprise. Il insiste essentiellement sur ce que les salariés ne peuvent jamais perdre, même s’ils quittent l’entreprise, ce qui leur permet de rebondir ailleurs : la formation continue. « Ma conviction est qu’apprendre tout au long de la vie est essentiel pour se développer. Et, en ce domaine, je crois en l’implication des managers, ce sont eux qui m’ont formé, ce sont eux qui m’ont fait confiance », indique-t-il à La Tribune. Au final, la bonne ambiance sociale, prouvée par le taux de satisfaction des salariés qui avoisine 90 % permet à l’entreprise de rester l’une des plus performantes de son secteur, avec ce patron le rime va de pair avec efficacité.
Le troisième moteur est plus intime, mais certainement le plus puissant. Les autodidactes n’ont rien à perdre et tout à gagner. Ils ont en tout cas une sérieuse revanche à prendre sur la vie. Ce qui les motive pour faire preuve d’audace et de persévérance.
« L’un des moteurs de mon ambition a été de ne jamais plus connaître les HLM », confie, aux Echos, Philippe Tourette, quarante et un ans, ancien soudeur et président-fondateur de la jeune société bordelaise Ioltech, l’un des leaders mondiaux dans la commercialisation des produits ophtalmologiques. Autre exemple, Sacha Rosenthal a quitté l’école en quatrième en raison de difficultés familiales sur lesquelles il n’est pas prolixe. Certainement pour compenser ce départ dans la vie bien peu favorable, il s’est jeté à corps perdu dans le bidouillage informatique jusqu’à créer CFI, une entreprise spécialisée dans la maintenance informatique pour les entreprises et les particuliers. Aujourd’hui, CFI réalise un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros avec 110 salariés en 2008.
Ainsi, armé de ses rêves et de sa rage de réussite, l’autodidacte est infiniment plus déterminé que les autres patrons sortis de l’enseignement supérieur. Et cette détermination produit une performance supérieure.
Antoine Ornecy
Conseil indépendant en GRH & management