Au Rhum Fest, les producteurs ne cachent pas le mode d’élaboration de leurs nouveautés, lancées auprès des professionnels.
Difficile de repérer l’ensemble des produits inédits du Rhum Fest, dont la journée professionnelle de sa sixième édition se déroulait ce lundi 15 avril à Paris. A l’instar de nombreux salons, le bar des nouveautés permet d’en faire le tour. Marc Battais (photo), consultant en métiers du bar, nous dirige vers Sampan. Ce rhum, distillé en 2018 et embouteillé en mars 2019 par la Distillerie d’Indochine, au Vietnam, est un overproof à 54°. La Compagnie des Indes nous surprend avec son Jamaïca (51,4°), distillé en décembre 2007 et embouteillé en mars 2019, présentant une belle longueur en bouche… mais dont la distillerie restera secrète.
Nous pouvons en savoir davantage, en revanche, sur les rhums de Bows produits à Montauban (Tarn-et-Garonne), dont nous suivons le développement depuis deux ans. L’Estador (45°) est un rhum blanc à base de mélasse de Thaïlande, qui connaît une phase de repos à 72° avant d’être très lentement réduit. Un moyen de conserver son caractère huileux et gras qui fait mouche. Les produits, à retrouver prioritairement chez les cavistes indépendants, sont désormais distribués par Free Spirits Distribution, une nouvelle structure créée en octobre dernier à Paris, qui a aussi pris en charge Mana’o, Bercloux et la Distillerie du Vercors.
Ils misent sur la diversité des origines
En Charente, la distillerie Tessendier & Fils nous avait déjà surpris avec sa gamme Cognac Park, également précédemment présente lors du salon des spiritueux français France Quintessence en novembre. Depuis trois ans, l’entreprise pousse les feux sur Saison Rum à l’export – des efforts déployés en France depuis un an et demi. « L’idée est d’aller chercher des lots dans les Caraïbes (Barbades, Jamaïque, Trinidad & Tobago), vieillis sur place avant d’être assemblés dans nos locaux de Cognac puis de passer en fûts de cognac durant des périodes allant de six mois à deux ans », explique Jérôme Tessendier, directeur général et maître de chai. Le Reserve (43,5°) est très rond ; le Barbados (46°), nouveauté de l’année avec le Trinidad (48°) plus sec.
Cette diversité d’origines est l’occasion, pour Alexandre Gabriel, propriétaire et maître de chai de Maison Ferrand, de rappeler que « le savoir-faire local permet de dessiner des spiritueux incroyables ». Propriétaire de West Indies Rum Distillery à la Barbade, et actionnaire de la distillerie jamaïcaine Long Pond, il rappelle que, dans le pays, il était de coutume de posséder sa propre technique d’élevage des levures, adaptée aux caractéristiques de chacune. « Dans le temps, les distilleries fabriquaient leur propre caramel avec un petit peu de sucre, poursuit-il. Nous sommes aussi partisans de réintroduire l’usage de bois locaux autant que possible. » Il se dit prêt à soutenir l’aspiration de la Barbade et de la Jamaïque à obtenir des appellations d’origine si les traditions sont respectées. Alexandre Gabriel insiste aussi sur l’importance de l’intensité aromatique permise par le taux de non-alcool (TNA), qui mesure la teneur en substances volatiles, une notion trop souvent oubliée selon lui.
Ils montent en gamme
Au Panama, Ron Abuelo, dont la gamme (distribuée par Apoteka) n’est plus à présenter, insiste sur le fait d’être toujours une société familiale, qui possède ses champs et ses chais. « Nous ne faisons que du rhum vieux, dans l’esprit du whisky », souligne Hedi Berkaoui, brand ambassador. En septembre, le XII Tow Oaks (40°) sera disponible chez les cavistes. Un vieillissement en fûts ex-whiskey, pour un rhum tirant sur les notes fumées, tabac et noix de kola.
Maison La Mauny (groupe BBS), qui distribue ses produits chez William Grant’s & Sons France et Dugas, lance pour sa part l’Extra, un rhum agricole vieux à 42°, « une version encore plus maturée de notre XO, avec plus d’impact sur le cognac et sur les tannins, et une belle longueur en bouche », selon son brand ambassador, Alexandre Bernard. Le Honey (35°) vise, lui, une cible plus large grâce à son miel sélectionné par Le Miel sauvage. Cette boisson spiritueuse, disponible depuis trois semaines, maturée en foudres de chêne après l’incorporation du miel dans les cuves en Inox est très douce et onctueuse. Des fèves de cacao crues servent, elles, à la macération d’un rhum blanc AOC Martinique donnant naissance à l’Arrangé fèves de cacao (30°), autre lancement phare de la marque.
Au rayon des marques phares, Diplomatico (distribution : Dugas) souhaite corriger son image. La Distillery Collection, une gamme créée il y a deux ans à destination des cavistes et d’un public plus averti, avec 5000 bouteilles par référence, enrichit son offre avec le lancement du N°3 (47°), en pot still (alambic charentais), et du 2005 Single vintage (43°). « Nous isolons les fûts et nous les assemblons avant un finish en fûts de sherry oloroso à un seul remplissage préalable », indique Kévin Sueiro, brand ambassador. « Hormis dans le Reserva Exclusiva, il n’y a pas d’ajout de sucre », appuie Jérôme Ardes, brand ambassador rhums de Dugas, qui a mis au point un nouveau modèle de verre de dégustation au petit pied, suivi d’une base assez large et d’une petite cheminée « pour conserver les arômes, sans les effluves d’alcool ».
Ils «cuisinent» leurs rhums
Pour être secoué, rien de tel, enfin, que de découvrir la gamme de MaloRhum, dont les rhums arrangés « et cuisinés » sont élaborés à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) depuis la fin 2016. « Il s’agit d’une rencontre entre deux passionnés de rhum. J’étais cuisinier, mon associé dans le commerce de produits locaux », précise Lucas Fisk, accompagné d’Olivier Cruz. Le Zapa’ (35°) titille le palais avec ses poivrons, de l’ail, du piquillo (un piment basque) et un mélange d’épices. En revanche, Woma (35°) l’édition spéciale proposée à l’occasion de la Route du Rhum, est sans doute trop déroutante avec son homard couplé à de la vanille et du poivre. Toutefois, on ne vous interdit pas d’essayer…
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