Start-up ou grands noms, les fabricants de rhum enrichissent sans cesse leur catalogue dans un marché en croissance continue. Reportage au Rhum Fest.
Le rhum est l’un des spiritueux qui enregistre l’une des plus fortes progressions de ses ventes. Une bonne raison pour son salon phare, le Rhum Fest, organisé du 13 au 15 avril à Paris, d’agrandir sa surface d’exposition, mais aussi pour de jeunes entrepreneurs de se lancer à l’assaut du marché, aux côtés de distributeurs connus qui recherchent de nouvelles pépites.
Des rhums arrangés parisiens…
Dans le 20ème arrondissement de Paris, Nazim Bousseksou est passé de l’informatique à la production de rhum, près de la porte des Lilas, avec Elixxirs. Les premiers produits ont vu le jour en juillet 2018. « Mon frère possède un bar. Il souhaitait s’approvisionner en rhum arrangé. J’étais pour ma part passionné de rhum », indique-t-il en présentant la gamme, issue de cinq ans de travail à titre personnel et ornée des figures de la bande à Bonnot, qui a commis plusieurs hold-up en 1911.
Jules Bonnot orne donc un rhum passion orange (32°), où une orange entière macère dans de grandes cuves pour dix litres de rhum. Avec Marie Vuillemin (35°), le poivre rouge, la vanille grasse de La Réunion, et la cannelle convergent dans un produit plus aromatique, plus complexe à déguster et adapté à la fin de repas. « Le poivre ravive la fin de dégustation, et étaye les goûts », ajoute Nazim Bousseksou. L’ananas Victoria et la badiane (anis étoilé) se rejoignent dans un produit… proche du pastis en bouche, Raymond Caillemin (32°). La distribution s’effectue pour l’heure en cavistes et CHR parisiens.
… et marseillais
A Marseille (Bouches-du-Rhône), Maxime Feffer, qui a travaillé dans l’opérationnel en CHR puis en contrôle de gestion après une école hôtelière, a créé son entreprise en 2017. Les Canailles, dont l’offre a été refondue en février dernier autour de cinq références, offrent également une belle palette de rhums arrangés (un segment en hausse colossale de 78,6% en grande distribution en volumes en 2018) à moitié composée de fruits provençaux, et à moitié de fruits exotiques. Du rhum HSE et du sucre de canne biologique sont utilisés.
Certains cavistes peuvent s’approvisionner en recharges et servir leur rhum à la fontaine. Un bon moyen de découvrir le coco, banane, gingembre, vanille (35°), nouveauté de l’année, mais aussi le citron vert et gingembre (35°) récompensé au Rhum Fest 2018. Le citron provient de La Londe-les-Maures, dans le Var. A ne pas manquer, l’amandes-caramel (32%). Des produits à retrouver dans la région, en réseaux de prescription.
Du tonic ou du sirop de canne ?
Bruant Distribution importe pour sa part en France un rhum imaginé en Belgique et tout aussi surprenants, Marlin Spike (40°). Un blend aged rum, issu de quatre rhums chacun âgés de cinq ans. « Notre rhum est délibérément adapté à la consommation en tonic », lance Nicolas Darwazeh, qui accompagne son père Alexandre dans l’aventure. Ce dernier, qui a occupé des postes de direction générale chez AB InBev, Electrolux et dans la santé, s’est lancé dans la conception de son produit il y a cinq ans. De la menthe et un zeste d’orange permettent d’accompagner simplement le rhum, produit aux Pays-Bas.
En Polynésie française, la distillerie Moux (rhums Tamure) a pour sa part une plus longue expérience, depuis 1991. Depuis l’an dernier, cap sur la métropole avec l’aide de Youk Moux, qui a quitté son job dans la gestion d’actifs financiers pour créer la structure important et distribuant directement plusieurs produits, dont un punch vanille (22°), une liqueur d’orange sauvage (45%) – « on laisse les écorces macérer dans le rhum, avant d’ajouter le sirop de canne » – et le fameux sirop de canne vanillé, très doux, à verser soi-même dans le rhum.
Des nouveautés à découvrir
Fidèle à sa démarche de recherche de nouveaux produits, L’Explorateur du Goût lance pour sa part Copalli, deux rhums produits par la Copal Tree Distillery, située au sud du Bélize, dans une réserve naturelle de 9000 hectares. « La distillerie s’est créée il y a deux ans avec ses propres cannes bio et l’eau de la canopée », précise François Sommer, fondateur de l’Explorateur du Goût. Après fermentation par ajout de levures bio, les jus de canne sont distillés en colonne ou en alambic charentais. Copalli White Rum (42°) se veut plus rond que la plupart des rhums agricoles, et présente un goût très végétal. Copalli Barrel Rested Rum (44°), au côté vanillé et légèrement épicé, a été vieilli huit mois en fûts de bourbon.
Autre gamme à découvrir, Zaka, « le dieu, dans la culture Voodoo caribéenne, proche des gens dans l’agriculture et la paysannerie », et son hommage rendu aux producteurs avec d’élégants flacons. Zaka Rum Mauritius (42°), 75% jus de canne et 25% mélasse, se veut « exotique et floral. » Le Trinindad (42°) se distingue par ses arômes d’olive verte. Il bénéficie d’un finish en fûts de bourbon. Le Panama (42°), floral et épicé avec ses notes de violette, est quant à lui très onctueux. Ces rhums de dégustation visent prioritairement un public d’amateurs éclairés.
Vintage Spirits Garage distribue pour sa part The Duppy Share Caribbean Rum. La marque est née en 2014 à Londres sous l’impulsion d’anciens salariés des smoothies Innocent. Ils regrettaient que nombre de rhums soient trop sucrés. L’assemblage, effectué en Angleterre, combine des rhums originaires des distilleries Worthy Park (Jamaïque) et Foursquare (Barbade). La mission du premier : arrondir le second. Le produit (40°) est disponible depuis deux mois en France en cavistes et CHR.
Et aussi…
Parmi les lancements orchestrés au salon figure aussi celui de Fortin (40°), un ron du Paraguay au miel de canne et aux notes de maracuja distribué par Dugas. « Son procédé de fabrication prend trois fois plus de temps qu’un ron classique. La distillation à 70° au lieu de 90° permet de ne pas à avoir rajouter de sucre, et préserve le goût du miel. Ce blend de 5, 6 et 8 ans est conçu uniquement pour la France : le rhum s’y partage, il convient donc d’être assez consensuel », explique Hector Veba, brand ambassador. La distillerie, créée il y a 100 ans et qui s’est développée en-dehors du à partir de 1993, vend 12 millions de bouteilles par an de ses produits en Amérique latine.
Cap, ensuite, sur le Guatemala avec El Pasador de Oro, la dernière nouveauté d’une entreprise créée il y a trois ans, Les Bienheureux, qui conçoit ses spiritueux. « Nous avons des demandes vers des produits plus alcoolisés, mais moins sucrés », nous explique son équipe. Le 52 (52°), à 10 grammes de sucre par litre, est passé en fûts âgés de six à quinze ans. Des saveurs d’abricot et de cigare se dégagent.
CBH distribue, enfin, six rhums sous la marque ombrelle 1731 Fine & Rare : trois blends et trois single origines, destinés à la dégustation, en référence à l’année durant laquelle une partie du salaire des marins de l’armée britannique a été convertie en rhum. A découvrir, le Cuba-Dominican Republic (46°) , très fort. La gamme est disponible chez les cavistes tout comme une référence bien plus ancienne mais non pas dénuée d’intérêt, Family Reserve (40%) de Goslings, éditée à seulement 3000 bouteilles tous les ans. Guillaume Leblanc, consultant en bartending, nous murmure qu’il pourrait se prêter à l’élaboration d’un old fashioned. Incontournable !
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.