L’OPA hostile de Kraft sur Cadbury signe le retour en force de grandes opérations financières à l’échelle mondiale.
Qui de Kraft, Hershey ou Nestlé mettra la main sur Cadbury, le numéro deux mondial de la confiserie et du chocolat ? Les spéculations vont bon train depuis quarante-huit heures, et les événements ne cessent de se succéder. Ce feuilleton marque le grand retour des OPA (offres publiques d’achat). Les tergiversations américano-britanniques constituent un nouveau feuilleton qui tient en haleine les marchés financiers… Même Danone, qui avait cédé sa branche biscuits à Kraft en 2007, a vu son titre s’apprécier ce mardi !
L’américain Kraft Foods a, en début de semaine, fait part de son intérêt pour Cadbury en proposant 10,2 milliards de livres sterling (environ 11,7 milliards d’euros) pour racheter la totalité du capital. La somme représente 13 fois l’excédent brut d’exploitation de Cadbury : à titre d’exemple, dans une période plus favorable, en avril 2008, ce multiple s’élevait à 19,5 dans le cadre de l’offre de Mars sur le spécialiste du chewing-gum Wrigley. En dépit de conditions économiques et financières dégradées, le conseil d’administration de Cadbury a estimé que le prix proposé par Kraft était « fondamentalement sous-évalué ».
La mise au grand jour des intentions de Kraft et la réponse cinglante de Cadbury ont précipité les offres des autres géants du secteur. Selon le Wall Street Journal, c’est un autre groupe américain, Hershey’s, qui pourrait créer la surprise en proposant lui aussi une offre. Le chocolatier souffre cependant d’une taille bien plus modeste que sa potentielle proie. Dans ce contexte, le groupe suisse Nestlé a entrouvert la porte à une possibilité de croissance externe.
Toutefois, un caractère quasi-monopolistique sur le chocolat pourrait remettre en cause cette hypothèse, comme le confirme au quotidien suisse Le Temps Warren Ackerman, analyste chez Evolution Securities. « C’est la partie faible du portefeuille de marques de Nestlé. Pour des raisons de concurrence, Nestlé ne peut pas acheter les chocolats de Cadbury et aurait besoin d’un partenaire: cela pourrait être l’américain Hershey’s », explique-t-il. Une opération d’une telle ampleur sera sans doute soumise aux autorités de la concurrence compétentes. Une variable dont l’importance sera également à prendre en compte dans la suite du dossier.
Les opérations se multiplient
Ces rebondissements constituent-t-ils l’amorçage d’un retour en force des OPA et des fusions-acquisitions, selon la forme que prendra l’opération ? « L’optimisme revient un peu dans les milieux d’affaires. Et le dialogue entre entreprises, sur ces questions stratégiques, reprend. Certains se disent qu’il est temps de profiter de valorisations encore attractives en Bourse », indique au Figaro le responsable des activités de banque d’investissement de Calyon, François Kayat. En 2008, le volume des OPA a chuté de 30 % au niveau mondial. Le retentissement médiatique opéré autour de Cadbury permet de mettre en lumière le frémissement de l’activité en cours depuis plusieurs semaines.
L’éditeur de X-Men et Spiderman Marvel s’est récemment fait enrôler par Disney au prix de 4 milliards de dollars ; tandis que – toujours aux Etats-Unis – le groupe parapétrolier Baker Hugues s’est emparé de son concurrent BJ Service pour 5,5 milliards de dollars. Ces opérations se déroulent donc principalement outre-Atlantique, d’où viennent les signaux les plus forts d’un redémarrage des opérations financières de grande ampleur. En Europe, il faut toutefois compter sur la reprise du groupe d’ingénierie Cegelec par Vinci. A noter que l’ex-propriétaire de Cegelec, le groupe qatari Diar, devrait devenir actionnaire du géant du BTP.
Par peur de devenir des proies, de nombreux groupes souhaitent se renforcer, si possible à des conditions avantageuses compte tenu de la crise. Des paris individuels qui, agrégés, émettent un signal fort d’activisme dans la sphère financière.