Recrutement, protection de l’environnement, débouchés commerciaux : produire du champagne n’est pas de tout repos, rappelle l’équipe de Piot-Sévillano.
En remontant les 25 kilomètres de route qui séparent Epernay et Vincelles (Marne), Christine Scher-Sévillano, propriétaire, avec son mari Vincent, de la maison de champagne Piot-Sévillano, fait part de ses difficultés à recruter. « Nous recherchons un tractoriste. Nous avons mis neuf mois pour recruter un ouvrier viticole en CDI, au-dessus du Smic. Il faut aussi s’assurer de l’obtention du diplôme de taille reconnu par les organisations en Champagne », indique-t-elle. L’entreprise, qui vend entre 50 000 et 60 000 bouteilles par an, compte, quatre salariés. 70% des ventes sont réalisées auprès des particuliers, 15% chez les cavistes et dans le réseau CHR, et 15% à l’export.
« L’export n’est pas forcément un eldorado, comme on peut beaucoup l’entendre !, avertit Christine Scher-Sévillano. Il faut de la patience », décrit-t-elle de retour d’Asie. Lorsqu’elle a repris l’exploitation familiale il y a onze ans, cette ancienne journaliste s’est intéressée à ce marché, et a mis le turbo sur les Etats-Unis avec un premier voyage en 2013, suivi de commandes seulement en 2015. La marque est présente dans des établissements de Seattle. Le développement à l’export constitue une nouveauté majeure pour cette famille de vignerons depuis le 18ème siècle. Le grand-père de Christine a commencé à fabriquer son propre champagne à l’âge de 33 ans, avec 504 bouteilles – l’intégralité de la production était alors vendue, contre une part résiduelle aujourd’hui. Sa mère a repris le flambeau en 1975. Le champagne Alexis Piot est alors devenu Piot-Sévillano.
Des efforts environnementaux qui ont un coût
En revanche, l’intérêt porté à la protection de l’environnement a été précoce. Le père de Christine Scher-Sévillano a arrêté le recours aux herbicides il y a vingt-et-un ans, et a progressivement étendu ses surfaces sans traitements – au début des années 1990, le Comité interprofessionnel des vins de Champagne avait lancé un programme dédié, Magistère. La certification Haute valeur environnementale de l’entreprise vient d’être renouvelée. Un engagement qui a un coût : cette année, 1000 euros seront réinvestis pour la tonte, en outils de travail du sol. Sur les parcelles où le tracteur ne peut pas passer, un cheval prend le relais, moyennant une somme de 90 euros par heure, après les vendanges puis au printemps. L’exploitation compte 6 hectares de parcelles louées aux parents de Christine Scher-Sévillano, et 2 ha à des bailleurs.
Fort heureusement, les champagnes Piot-Sévillano s’appuient aussi sur d’autres points forts : l’indépendance – « un vrai atout à l’export » – et le travail régulier sur les cuvées. Se pose ainsi la question de disposer de levures propres à l’entreprise, un bon moyen de différenciation mais qui a, lui aussi, un coût, estimé à 15 000 euros pour les prélèvements et les analyses, avant deux à trois ans de travail. Le réchauffement climatique induit par ailleurs des questions sur l’acidité, qui baisse, et sur les cultures : s’il n’y a pas de grêle ni de phénomène d’échaudage, ce qui pourrait être difficile en raison des fortes chaleurs du début de l’été, « une belle récolte » pourrait avoir lieu début septembre, avec deux à trois semaines d’avance. Les saisonniers, logés, devront avancer leurs disponibilités en conséquence.
Approfondir la démarche pédagogique
Pour s’investir davantage dans la vie du village de Vincelles, Christine et Vincent Scher-Sévillano ont racheté l’école, fermée il y a dix ans, contiguë à leur demeure. Surplombant les vignes, elle leur permettra de disposer d’une cuverie supplémentaire, d’une salle de réception et de bureaux. Un architecte a été mandaté pour restructurer le bâtiment tout en gardant son aspect scolaire. Initialement prévus l’an dernier, les travaux devraient débuter après les vendages – la mauvaise récolte de 2017 a contrarié les plans initiaux. L’objectif poursuivi est notamment d’approfondir la démarche pédagogique qui prévaut lors des visites des installations.
Pour le futur, un point titille Vincent Scher-Sévillano : « le champagne a du mal à toucher la tranche des 25-49 ans », regrette-t-il. Il rappelle que le demi-sec peut s’accorder avec des desserts peu sucrés, comme il l’a dernièrement redécouvert au Danemark, tandis qu’un champagne sucré peut permettre aux bartenders d’exprimer leur savoir-faire en cocktails. « A Londres, il existe un concept hot-dog et champagne ! », souligne-t-il. En attendant d’en arriver là, en France, l’interprofession vient de lancer une campagne publicitaire mettant en scène une coupe de champagne servie avec un burger. Un plat qui a su, ces dernières années, apprivoiser les codes gastronomiques français. Une autre histoire de goût et de business…
A découvrir
Parmi nos coups de cœur, citons L’Indiscrète, en 100% Meunier. Produite depuis deux ans, initialement prévue pour des restaurants locaux, elle s’exporte jusqu’à Hong Kong. L’Impertinente tient quant à elle son nom de sa composition totalement en Pinot noir. Quatre parcelles y sont consacrées. En apéritif dînatoire, l’Extra brut Tradition (70% Meunier, 15% Pinot noir, 15% Chardonnay), vieilli près de 30 mois, surprendra.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.