Le succès de la procédure de rupture conventionnelle, en vigueur depuis juillet 2008, soulève de nombreuses questions d’ordre juridique.
Après avoir mollement progressé au début de l’année, le nombre de demandes homologuées de ruptures conventionnelles a littéralement bondi en juin, avec 17.173 ruptures de contrat à l’amiable acceptées pour ce seul mois. C’est près de 4.300 de plus qu’en mai. Ces chiffres, dévoilés début août par le ministère du Travail, confirment le succès de cette procédure entrée en vigueur en juillet 2008: au total, ce ne sont pas moins de 111.670 dossiers qui ont été acceptés par les directions départementales du Travail depuis l’introduction du dispositif.
L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, complété par l’article 4 de la loi de modernisation du marché du travail (en date du 26 juin 2008) ont introduit une nouvelle catégorie de licenciement: la rupture conventionnelle. Tandis que le licenciement s’avère particulièrement long mais plus avantageux pour le salarié, et que la démission n’ouvre pas droit aux indemnités, ce nouveau cadre juridique de rupture de contrat ouvre la possibilité d’une séparation à l’amiable entre les parties.
L’employeur et le salarié doivent, pour en bénéficier, se mettre d’accord sur la rupture du contrat. Une demande doit alors être transmise au directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Les autorités procèdent alors à une vérification des termes de l’accord. L’indemnité de rupture, exonérée d’impôt sur le revenu et de charges sociales, ne peut être inférieur à celui de l’indemnité légale de licenciement. Dans le cas des salariés protégés (membres du comité d’entreprise, délégués syndicaux…), la procédure à suivre est plus complexe.
Ces nombreux garde-fous s’avèrent aujourd’hui essentiels pour assurer la bonne marche du dispositif. « La plupart du temps, c’est l’employeur et non le salarié qui propose une rupture conventionnelle. Si le salarié a deux ans d’ancienneté et que ce licenciement est non causé (sans faute de l’employé ni cas de force majeure), ce dernier a droit au minimum à six mois de salaire, c’est ce que prévoit la loi », rappelait récemment au Monde.fr l’avocat au barreau de Paris Xavier-Philippe Gruwez. Ce spécialiste met en garde les salariés quant à la nécessité d’une information complète sur leurs droits, la signature de ce type d’accord n’étant pas exempte de risques. Le caractère relativement récent du dispositif limite la base juridique à disposition des professionnels.
Risque de dérives
Faute d’expérience suffisante, des ajouts ponctuels s’avèrent nécessaires pour parfaire ce dispositif innovant en matière de simplicité de la procédure. Ainsi, dans une circulaire en date du 10 juillet, la Direction de la Sécurité Sociale a apporté de multiples précisions quant au régime social appliqué à l’indemnité de rupture. Ces mesures, rendues publiques au début de l’été, s’appliquent pourtant depuis presque un an: le cadre juridique et social de la rupture conventionnelle, même s’il est établi, reste encore mouvant.
Les barrières mises en place par le législateur pour contenir les risques de dérives semblent toutefois ne pas permettre de dissiper les doutes quant au risque de licenciements déguisés: avec une telle procédure, la rupture du contrat n’est pas seulement portée par l’employeur, comme dans le cadre d’un licenciement, mais également par le salarié. Une répartition des risques… qui n’est pas sans risque.
Il est difficile, pour le salarié, d’expliquer que son consentement a été vicié: la CFDT et la CGT pointent du doigt des cas délicats chez IBM ou chez Hertz, où un plan de sauvegarde de l’emploi a été validé l’an dernier. De récents arrêts de la Cour de cassation remettent en cause pour leur part les articles tels que « les parties au présent accord amiable renoncent donc expressément à diligenter toutes instances ou actions dont les relations de travail les ayant liées pourraient être l’objet, la cause ou l’occasion ».
Le cadre juridique de la rupture conventionnelle semble donc amené à s’étoffer dans les prochains mois, à la faveur de nouvelles décisions. Un point fait également débat: celui de l’impact de l’explosion du nombre de ruptures vis-à-vis de l’assurance-chômage. Le débat est déjà ouvert…