A la tête d’une agence de relations presse, Christophe Paymal souhaite accompagner ses clients dans la définition de leurs plans médias – quitte à les recadrer. Il raconte son métier dans Parlez-moi de moi, je veux le 20 heures. Les dessous des relations presse (éd. Designfax), avec l’ancien journaliste Jean-Claude Allanic. Rencontre.
Quels sont vos parcours respectifs ?
Christophe Paymal : J’ai commencé ma carrière dans des agences de relations presse aux Etats-Unis de 1986 à 1989, puis deux ans en agence de relations presse à Paris, avant d’intégrer la plus grande agence de design de l’époque, Carré Noir, en tant qu’attaché de presse pendant sept ans. Ensuite, je suis entré comme directeur de la communication chez Dragon Rouge, pendant onze ans. J’ai crée Paymal Network en 2009, d’abord pour des agences de design, des designers indépendants, des architectes, puis sur le secteur de l’hôtellerie avec un pôle « lifestyle » (hôtels indépendants, hôtels pour séminaires d’entreprises, et une grande enseigne). Nous sommes une agence de trois personnes, indépendante. Nous avons également en charge du « personal branding », pour gérer l’accroissement de la notoriété de chefs d’entreprise.
Jean-Claude Allanic : Je suis journaliste. J’ai fait l’essentiel de ma carrière à la télévision, de 1977 à 2007 sur France 2. J’ai été présentateur, reporter, chef de service, médiateur de l’information… et je me suis reconverti essentiellement dans les écoles de journalisme. Avec Christophe, on se connaît depuis longtemps ; nous avons réalisé de nombreux sujets sur le design également. Comme Christophe a eu l’idée d’écrire ce livre, je l’ai accompagné car nous croyons à ce que l’on fait, et nous avons un regard critique sur les relations entre nos deux univers et nos métiers.
Pourquoi avez-vous souhaité écrire un livre sur votre métier ?
Christophe Paymal : Il existe pléthore de livres sur les RP, très didactiques. Je souhaitais écrire ce livre sur le ton de l’humour, mais en « balançant » quelques messages. Ecrire seul, ce n’est pas ce que j’aime faire le mieux. M’associer avec un journaliste avait du sens.
Jean-Claude Allanic : Nous avons réalisé beaucoup d’interviews ensemble. J’ai relancé Christophe, nous avons changé la titraille… Nous voulions montrer que les journalistes ne s’achètent pas, mais que nous pouvons entretenir des relations de façon éthique avec eux.
Christophe Paymal : Nos clients confondent trop communication et information. L’opportunité ne s’est pas présentée pour changer de métier, et j’avais très envie de créer une agence de RP. Je souhaitais délivrer des données aux journalistes. Je « réprimande » parfois mes clients à ce sujet. Je ne souhaite pas que l’on soit seulement des courroies de transmission. Par ailleurs, les budgets sont sans cesse revus à la baisse, c’est très difficile de valoriser financièrement le métier. On facturait mieux il y a vingt ans, comme dans beaucoup de corporations.
Vos clients souhaitent (presque) tous passer au journal de 20 heures ! Comment leur préconisez-vous un plan média plus adapté à leur métier ?
Jean-Claude Allanic : J’ai récemment reçu un mail d’une association me demandant d’être mis en contact avec le journal de 20 heures, et j’ai suggéré que ce n’était pas la bonne idée. Côté professionnels, à la télévision, c’est le poste phare. Toutefois, quand les chaines thématiques sont apparues, des journalistes y sont allés, et gagnent parfois trois fois plus !
Christophe Paymal : Le 20 heures, c’est vraiment le graal. Mes clients sont d’une génération qui sont nés avec ce journal. C’est la consécration, même dans le B2B. Vous avez des sujets entreprises, sur des métiers, de crise… On rêve de devenir l’expert référent. Nous avons bien réussi avec Christophe Chaptal de Chanteloup dans l’automobile ou avec Christophe Pradère de BETC Design. J’ai une approche de plus en plus didactique avec les clients, en proposant des formations aux RP et du media training. Très gentiment, je passe beaucoup à expliquer le métier des RP. Parfois, ça les chiffonne ! Je suis de moins en moins langue de bois, quitte à les secouer. De plus, chaque média est important, journal national, journal régional, presse professionnelle, blogueur…
Quid du rôle des RP à l’heure des réseaux sociaux ?
Christophe Paymal : Ce sont des médias complémentaires, mais l’un ne va pas sans l’autre. Les moments de lecture sont différents : Facebook sur le smartphone, la presse papier en déplacement ou au bureau, la télévision à la maison… Nous avons dû intégrer cette dimension de community management. Il y a une vraie stratégie de contenu à avoir : vous avez un compte Facebook, Twitter, LinkedIn… à alimenter, il faut de l’information régulière en étant hyper-réactifs. Les messages doivent être courts, ce ne sont pas des communiqués de presse. Il n’y a plus de boilerplates ! On arrive à valoriser, sur certains clients, cette dimension. Les réseaux sociaux sont dans la communication, tandis que le journaliste construit une information.
Jean-Claude Allanic : Il faut des filtres et des explications. On a besoin de synthèse. Il y a aussi le fait qu’un quart des Français ont l’impression qu’en leur ment sur tout. En 2000, je suis devenu médiateur de l’information. Les téléspectateurs s’exprimaient par courrier : des personnes âgées, des enseignants… Maintenant, on communique par mail avec un public différent.
Comment percevez-vous l’évolution du métier d’attaché de presse ?
Christophe Paymal : Mes collaborateurs viennent beaucoup de l’Efap. Je recrute aussi sur la personnalité, l’envie, la passion… Quant à l’évolution des médias avec le Web, s’il y a des bouclages tout le temps, il y a plus d’opportunités ! Je pousse mes clients à être hyper-réactifs. C’est dans les gênes de ce métier. Nous devions répondre dans le quart d’heure aux journalistes chez Carré Noir ! Je l’enseigne aussi à mes clients. Le bouclage rend le métier pétillant. Je suis en copie de tous les mails et je prends systématiquement le relais, tout le temps branché. Il n’y a jamais de temps mort.
Mais fait-il encore rêver ?
Christophe Paymal : Il y a moins d’engouement pour ce métier qu’il y a vingt ans. Je ne suis pas sûr que la communication fasse toujours rêver. Les jeunes ont davantage envie d’aller en entreprise que d’aller en agences : les salaires sont plus importants, et il y a plus de postes. Il y a de nouveaux métiers aussi, dans le digital.
Jean-Claude Allanic : Parmi mes étudiants, beaucoup pensent que la communication est plus ouverte sur le marché de l’emploi. La communication, c’est une dimension importante d’une entreprise.
A long terme, que peuvent devenir vos métiers ?
Jean-Claude Allanic : Le journalisme va se renouveler avec la nécessité d’une formation importante et de rappel des règles déontologiques. Ce qui m’inquiète, c’est le contenu « à la demande » : si on me donne les informations qui m’intéressent seulement sur ma cible, je serai satisfait, mais je ne connaîtrais rien du monde.
Christophe Paymal : Les RP ont un rôle stratégique à jouer dans le développement des entreprises. Un laboratoire s’est créé au Syntec RP à ce sujet. Les RP sont devenues matures, elles ont intégré le digital. Elles sont plus que jamais indispensables à l’essor des entreprises.