La hausse du nombre de faillites favorise l’activité des professionnels du capital-retournement, chargés de redresser et de revendre des entreprises en difficulté.
Chute brutale du chiffre d’affaires, arrêt du soutien des banques, amplification de difficultés existantes: la crise n’a pas épargné les entreprises, qui doivent affronter un contexte économique et financier difficile depuis plus d’un an. Près de 14.000 jugements ont été prononcés par les tribunaux lors de procédures de liquidation judiciaire ou de redressement au second semestre, les firmes âgées de trois à cinq ans, ou de plus de quinze ans, étant particulièrement touchées.
Cette accélération du nombre de faillites pourrait se prolonger à la rentrée de septembre, une nouvelle donne favorisant l’activité des fonds de retournement. Ces fonds d’investissement sont spécialisés sur la reprise et le redressement d’entreprises en difficulté dans le but de créer une valeur substantielle et de les revendre. Le créneau, jusqu’alors relativement confidentiel, apparaît au grand jour à la faveur de la crise – les patrons de ces fonds commencent à expliquer leur mode de fonctionnement dans les médias.
La période actuelle se prête avantageusement à l’exercice du capital-retournement. En effet, nombre d’entreprises sont en passe d’épuiser tous leurs leviers pour rester dans la course économiquement, et le plan de relance annoncé en grande pompe n’exerce qu’un effet minime sur l’activité. L’économie tournant au ralenti en juillet et en août, de nombreuses firmes risquent d’être meurtries au retour de vacances. L’affacturage, qui consiste à sous-traiter le recouvrement de créances, risque ainsi de perdre de son efficacité ces prochaines semaines. Le remboursement d’impôts par l’Etat et les exonérations de charges, à la portée et à la durée limitées, constituent également des bouées de sauvetage difficilement viables dans le temps.
Recentrage sur les actifs les plus porteurs
L’espoir d’une sortie de crise passe par des entreprises saines, plaident ces professionnels du redressement d’entreprises. Chaque entité fait l’objet d’une analyse fouillée avant l’intervention des fonds. La valorisation potentielle des actifs de l’entreprise et ses fondamentaux sont passés au crible, tout comme les derniers bilans et les perspectives d’activité. Il ne s’agit pas seulement de relancer une entreprise, encore faut-il pouvoir créer de la valeur et la revendre dans de bonnes conditions.
Après avoir injecté les ressources financières nécessaires à la pérennisation de l’activité, la mise en place d’un management à-même de prendre les décisions qui s’imposent s’avère la phase la plus délicate du processus: il s’agit de faire accepter les hommes qui devront conduire, sur plusieurs mois, la destinée de l’entreprise, quitte à faire des choix douloureux. Il ne s’agit pas de couper à la hache dans toutes les dépenses, plaident les dirigeants des fonds de retournement, mais de se concentrer sur les actifs au plus fort potentiel et de les développer. Ce processus prend en moyenne près de deux ans.
Les récents dispositifs fiscaux liés à la R&D représentent, à titre d’exemple, une raison supplémentaire pour les fonds de retournement d’approfondir leur action dans le domaine des firmes innovantes, avec le développement de technologies non-seulement à-même de pousser les ventes à la hausse, mais aussi de rendre l’entreprise plus attrayante lors de sa mise en vente. L’objectif d’un fonds étant de revendre sa participation avec une plus-value substantielle, tous les éléments concourant à la création de valeur à faible coût sont passés au crible.
Le marché se répartit aujourd’hui entre des fonds axés sur les « mid caps » (entre 250 millions et 1 milliard d’euros de capitalisation boursière), et les entités de capital-retournement spécialisées sur de plus importantes opérations. Des entreprises à la notoriété aussi forte que Léon de Bruxelles, Flo ou Virgin Megastore sont passées ou sont entre les mains de fonds de retournement. Preuve que toutes les firmes, quelque soit leur importance, peuvent éprouver des difficultés. Une aubaine pour le capital-retournement…