La Fédération France Nature Environnement et la SNCF figurent parmi les premières organisations à s’opposer à l’entrée en circulation des méga-camions sur le réseau routier.
En demandant à l’Observatoire Energie Environnement Transports d’examiner et d’apprécier les enjeux des camions de 25,25 mètres de long, dits aussi méga-camions, le secrétaire d’Etat aux Transports Dominique Bussereau a tenté, la semaine dernière, de temporiser la polémique qui entoure la potentielle arrivée dans l’Hexagone de ces mastodontes des routes. Cet organisme, crée sous l’impulsion du Grenelle de l’Environnement, se voit confier une première mission qui dépasse les strictes considérations écologiques.
L’annonce, effectuée le 25 mars dernier au syndicat de transporteurs routier TLF, de l’expérimentation des « European Modular System » (EMS), des poids-lourds modulables dont la longueur totale peut atteindre plus de vingt-cinq mètres et le poids soixante tonnes, a été fraîchement accueillie par les associations écologistes, au premier rang desquelles la fédération France Nature Environnement, qui vient d’enfoncer le clou en rendant publics les résultats d’un sondage effectué à sa demande par l’institut CSA. 71 % des Français s’affirmeraient « inquiets des conditions de sécurité routière des méga-camions pour les routes françaises », et 81 % ne seraient « pas favorables à la circulation des méga-camions en France et en Europe ».
Bien avant la publication de cette enquête, le secrétariat d’Etat aux Transports a pourtant jeté les bases d’une stricte réglementation encadrant l’arrivée en France des méga-camions. Le poids maximal de ces appareils s’élèvera, dans le cadre de l’expérimentation, à 44 tonnes – une masse déjà autorisée de manière dérogatoire dans certaines zones -, un chiffre en-deçà de la charge maximale pouvant être représentée par les EMS. Une commission mixte paritaire doit aujourd’hui approuver la demande d’expérimentation à ces conditions, approuvée par Dominique Bussereau et par le Sénat lors du vote en deuxième lecture du projet de loi d’orientation du Grenelle de l’Environnement.
Pollution, sécurité et investissements
La réduction du nombre de semi-remorques constitue l’un des enjeux de l’expérimentation des méga-camions, un argument entendu mais battu en brèche par France Nature Environnement. « Bien sûr, un méga-camion consomme moins, vue l’optimisation du nombre de tonnes transportées par kilomètre. Mais vu que le transport routier deviendra plus rentable, les industriels seront tentés de se détourner du ferroviaire pour privilégier ce nouveau mode de transport », explique à Libération Michel Dubromel, représentant de la fédération.
L’organisation écologiste met en avant trois arguments majeurs pour s’opposer à l’expérimentation des EMS sur les routes françaises. D’une part, la pollution, point central de l’intervention de France Nature Environnement: cette tentative signifierait l’apport de toujours plus de camions, et donc de nouvelles émissions de gaz à effet de serre, une initiative à contre-courant de l’engagement international pour le climat. D’autre part, un argument plus consensuel, celui de la sécurité: bien que pourvus de plus d’essieux pour un meilleur freinage, leur difficile doublement et leur taille massive sur les routes constituent des points à éclaircir. Enfin, les investissements représentés par l’adaptation du réseau à ces mastodontes s’ancrent dans la même veine: le financement du routier à l’heure de l’urgence écologique.
La SNCF, dont l’activité Fret est déficitaire depuis de nombreuses années, a fait connaître par la voix de son directeur général Transport et logistique, Pierre Blayau, sa désapprobation vis-à-vis de l’entrée en circulation des méga-camions. « Nous ne sommes pas favorables au renforcement de la capacité compétitive de la route, à travers des outils de traction plus importants », a expliqué le transporteur, pointant du doigt « une discordance avec les objectifs du Grenelle de l’Environnement centrés sur le report modal, outil pour réduire les émissions de C02 et décongestionner les infrastructures ». Avant même les conclusions de l’Observatoire en charge de l’étude, la bataille est déjà commencée.