Les gratte-ciel font figure de priorité dans le cadre d’une prise de conscience sur les économies d’énergie et l’impact environnemental représentés par une meilleure conception des bâtiments.
L’un des principaux symboles américains, l’Empire State Building, s’apprête à passer au vert. Depuis quelques semaines, 6.500 fenêtres sont en cours de remplacement, des travaux complétés par l’installation de nouveaux systèmes d’aération, de chauffage et d’illumination. L’enjeu, pour le bâtiment new-yorkais, est de s’inscrire dans une démarche environnementale et économique en réduisant de 38 % la consommation d’énergie et de 4,4 millions de dollars par an les coûts de fonctionnement. Un système intelligent de gestion de l’énergie sera notamment mis en place.
Ces travaux, sur un immeuble mythique, s’inscrivent dans une tendance de fond : à l’avenir, le bâtiment sera vert ou ne sera pas. Les gratte-ciel, régulièrement pointés du doigt pour leur gigantisme et les dépenses correspondantes, sont en première ligne. En France, les récents projets pour le quartier d’affaires de La Défense témoignent de cet engouement pour les technologies vertes, mais les professionnels mettent en cause la chaîne de décision antérieure à la réalisation de projets. « Alors que tout se joue au niveau de la conception, la forme du bâtiment, notamment, ayant une forte incidence sur sa performance énergétique, le risque de non-construction incite le promoteur à n’intégrer architectes et ingénieurs que le plus tard possible », déplore dans La Tribune le directeur de la prospective de Lafarge, Constant van Aerschot.
Pour pallier à ce risque, les promoteurs intègrent de plus en plus à leurs tours une dimension de service, en mêlant davantage les bureaux, les logements et les activités commerciales, en prenant soin d’écarter au maximum l’impact de la circulation automobile. Les parkings sont soit réduits au minimum, ou intègrent de nombreux emplacements pour les vélos et potentiels outils de circulation douce. Au sein de ces tours de nouvelle génération, les déplacements seront concentrés dans un même bâtiment, et les activités seront complémentaires dans la recherche d’une utilisation optimale de l’énergie : la chaleur dégagée par les bureaux pourra notamment servir à chauffer des logements. Certains architectes conçoivent même leurs tours en tenant compte du périmètre environnant : la puissance de la tour (services, attractivité) sert de prétexte aux collectivités et aux promoteurs pour se mettre, eux aussi, au vert.
Le développement d’un réel intérêt pour une conception respectueuse de l’environnement n’est que très récent, et est encouragé par le renforcement de la réglementation. Les bâtiments conçus pour l’Etat ne montraient pas non plus, jusqu’à peu, une volonté de réaliser des économies d’énergie : ainsi, le site François-Mitterrand/Tolbiac de la Bibliothèque nationale de France, conçu à la fin des années 1980, s’inscrit à contre-sens de cette politique : les ouvrages sont placés en hauteur, exposés à la chaleur dans quatre immenses tours de verre et nécessitant un coûteux système de refroidissement, tandis que les visiteurs sont confinés en sous-sol. 200 kilomètres de tuyaux et canalisations relient les quatre bâtiments ! Aujourd’hui, les critères HQE (haute qualité environnementale) sont en passe de devenir une norme incontournable.
Signe de cette évolution, le Grenelle de l’Environnement a pris en compte les enjeux liés à la conception des bâtiments, et les appels d’offres intègrent systématiquement des critères d’ordre écologique. Le travail des architectes ne se cantonne plus à concevoir des bâtiments esthétiques, mais aussi tenant compte du défi représenté par la recherche continue des économies d’énergies.