Crise oblige, les entreprises revoient leurs politiques salariales. Certaines fonctions sont privilégiées, et l’accroissement des tensions individuelles constitue une menace prise au sérieux par les DRH.
L’étude de Towers Perrin sur les rémunérations, rendue publique fin mars, a confirmé une réalité que les professionnels des ressources humaines avouaient à demi-mot : la crise a bien eu un impact sur les salaires. Cette enquête, menée sur une soixantaine de grandes entreprises, met en exergue un recul de 0,5 % des prévisions d’augmentation salariale entre novembre 2008 et février 2009. 82 % des entreprises ont entrepris une révision de leur politique salariale depuis la fin de l’année dernière, un chiffre particulièrement élevé qui traduit la corrélation entre contexte économique difficile et ajustement des rémunérations. En Belgique, 46 % des PME expliquent que la crise a eu un impact sur leur politique salariale.
« De par cette politique, l’employeur reste à la barre de son entreprise. Une bonne politique salariale permet également à l’employeur de rémunérer son personnel en tenant compte de l’évolution du marché, tout en contrôlant ses coûts salariaux », définit Dimitri Morel, consultant chez SD Worx. Dans un univers incertain, le contrôle des coûts semble l’emporter : selon une enquête menée par le cabinet ECA International dans 53 pays, les salaires devraient progresser de 4,7% cette année, contre une hausse de 6,2% l’an passé. L’adaptation des politiques salariales à la crise semble avérée : un quart des entreprises mondiales comptent geler leurs salaires. Pour les candidats à de fortes augmentations, le Venezuela constituera toutefois l’endroit rêvé (+ 24 % en moyenne).
Les fonctions stratégiques en période de crise sont celles où les hausses de salaires devraient être les plus fortes cette année : ainsi, les métiers de la recherche-développement et des achats. Afin d’anticiper la reprise, les entreprises peuvent capitaliser sur l’innovation, essentielle pour faire la différence dans un contexte durable de mondialisation. Quant aux achats, leur rôle dans la maîtrise des coûts est essentiel. Ces secteurs enregistrent des progressions annuelles de 4 à 4,5 % en moyenne. L’audit et l’industrie pharmaceutique connaissent aussi de belles embellies concernant les rémunérations.
Le marketing, le commercial, la gestion et les achats sont les services où les cadres sont, eux aussi, les mieux lotis. Signe du rôle clef joué par les personnels d’encadrement, ceux-ci devraient bénéficier en moyenne d’un accroissement de 3,5 % de leur salaire de base cette année, contre 3 % l’an dernier. Cette bonification est à relier avec la généralisation des avantages en nature, éléments de la rémunération : la moitié des cadres possède désormais un véhicule de fonction, selon le cabinet de conseil en RH Mercer. Dans certaines entreprises, les bonus sont aussi utilisés comme de véritables moyens de rétention des talents, annualisés et significatifs. Pour les nouveaux embauchés, mieux vaut qu’ils émanent de Bac + 2 ou 3, moins onéreux que des candidats plus diplômés.
Vers des tensions sociales ?
« 2009, année incertaine : bien entendu, la pression ne se relâchera pas sur les DRH, qui plus que jamais seront à la croisée de l’économique et du social, du court et du long terme », explique Romain Bureau, membre du comité exécutif de Mercer : optimiser la gestion des salaires, améliorer les structures de rémunération variable à court et à long terme, et revoir les dispositifs de motivation des commerciaux constituent des outils RH qui peuvent être utilisés dans un contexte économique délicat. Le maniement de ces leviers ne s’effectue pas sans conséquences sociales : la crise exacerbe le climat de concurrence entre salariés, et peut être à l’origine de tensions. Plus de 50 % des salariés interrogés dans dix-sept pays par Stepstone s’attendent à plus de compétition entre collègues.
Chaque décision concernant le salaire devra donc faire l’objet d’une explication de la part des directeurs administratifs ou des ressources humaines, la rémunération relevant de plus en plus du champ individuel : la contribution personnelle, la présence, la performance… concernent un salarié et non l’ensemble des effectifs de l’entreprise. La notion de compétitivité, jusqu’alors s’appliquant uniquement aux sociétés, en vient donc jusqu’à toucher les salariés eux-mêmes. Entre maîtrise budgétaire et initiatives personnelles, c’est un travail de pédagogie et de suivi plus que jamais personnalisé des individus qui attend les DRH : les entreprises ont besoin d’éléments motivés, mais aussi d’une certaine harmonie entre les salariés.