Les bâtiments économes en énergie ou à énergie positive se heurtent parfois aux usages de leurs occupants, qui doivent apprendre à travailler avec de nouveaux systèmes de ventilation, de chauffage et d’éclairage. Jennifer Théveniot, responsable développement durable de la filiale française du consultant en immobilier d’entreprise Colliers International, analyse les enjeux de ce nouveau mode de fonctionnement.
TRIBUNE. « En général, l’écart entre les performances intrinsèques et les performances réelles est très décevant pour l’utilisateur. La raison principalement évoquée est un mauvais comportement de l’usager: ne pas éteindre les lumières en partant, augmenter le chauffage sans avoir pensé à ajouter un pull, etc.
La réponse apportée à ce constat est l’automatisation des systèmes d’énergie. Il s’agit de régler les équipements pour qu’ils fonctionnent seuls : mettre en place des plages horaires pour le chauffage ou l’éclairage, par exemple. Les systèmes sont donc paramétrés sur des usages « normés ». Mais il n’est pas rare qu’un employé n’ait pas ce comportement type : si un employé a besoin de travailler le weekend, il aura évidemment besoin de lumière et de chauffage, ce qui amènera à une surconsommation par rapport à ce qui aura été prévu.
« L’immobilier entre dans l’ère du digital »
Les usagers ont donc besoin d’avoir un certain contrôle sur leur confort. Des moyens existent en complément de l’automatisation du bâtiment pour que l’utilisateur puisse agir de quelques degrés sur la température de son bureau, sur la lumière, etc. Mais là aussi un problème se pose : celui de l’interface utilisateur. Souvent complexe, elle nécessite de former les occupants. Dans l’état actuel, la solution préconisée est donc une complémentarité entre automatisation des systèmes énergétiques et sensibilisation des usagers.
Mais l’immobilier, comme tous les secteurs de l’industrie, entre dans une nouvelle ère : celle du digital. L’internet des objets vient progressivement révolutionner le rapport de l’usager et de l’exploitant au bâtiment, laissant entrevoir des possibilités de gestion « intelligente » de l’énergie. Les équipements connectés du « smart building » vont leur permettre de collecter des données puis de les analyser afin qu’elles interagissent automatiquement avec le bâti. Mais attention à ne pas tomber dans l’excès de sophistication. Ce que recherche avant tout un utilisateur dans le numérique, c’est la simplicité d’utilisation. Là aussi, la sensibilisation de l’occupant reste la clé du succès.
Enfin, il faut reconnaitre que la construction durable est une discipline jeune, dans laquelle les professionnels manquent d’expérience. Mais c’est aussi un formidable terrain d’expérimentation, d’innovation et de développement au service d’un enjeu plus grand que nous : assurer l’équilibre naturel de notre planète. »