Arnaud Gangloff, PDG de Kea & Partners, appelle les chefs d’entreprise à apporter davantage de sens à leur stratégie.
L’entreprise occupe toujours une place de choix parmi les valeurs des Français. Mieux, elle constitue un lieu « refuge » au sein duquel se développent des aspirations liées au respect, à l’esprit d’équipe et à l’écoute, indique la quatrième édition du Baromètre des valeurs des Français. Réalisée pour le cabinet de conseil Kea & Partners*, spécialisé dans le conseil aux directions générales, cette étude s’intéresse simultanément à la cohérence culturelle des entreprises et à celle de la société. Arnaud Gangloff, président-directeur général de Kea & Partners, répond aux questions de Business & Marchés.
Quels sont les objectifs du Baromètre des valeurs des Français?
Arnaud Gangloff – Il faut savoir, en matière de transformation d’entreprise, se préoccuper du « froid » (la stratégie) et de « chaud » (la culture). En matière de stratégie, cela fait des années que les consultants développent des référentiels. Nous avons voulu nous doter de l’équivalent en matière de culture et nous nous sommes mis en quête d’un outillage en nous rapprochant de Richard Barrett, qui a pour conviction que la culture, comme pour d’autres éléments de l’entreprise, se mesure. Pour la quatrième année consécutive, nous sondons les valeurs que les Français perçoivent autour de trois questions clefs : ce qui les touche, leur regard sur leur environnement, et leurs projections de ce système de valeurs pour que leur entreprise soit plus performante. Nous avons étendu ce principe à la société : il s’agissait de savoir quelle était la perception des valeurs de la société française, et serait leur perception de ces valeurs si la société elle, était plus performante.
« L’entreprise est un lieu de cohésion sociale »
En tant que cabinet de conseil, quels sont les apports de cet exercice?
Le baromètre est au départ destiné aux entreprises, et permet de faire travailler une équipe de direction autour d’enjeux stratégiques et culturels. On donne de la matière pour progresser par rapport à des écarts, et on peut l’étendre à la société française. L’entreprise est un lieu de cohésion sociale, un lieu significativement plus positif que la société qu’on nous propose. Si l’on prend la part des valeurs négatives sur la part des valeurs exprimées, cela donne un indicateur : le taux d’entropie culturelle. Globalement, en moyenne, il est de 22%, contre 63% pour la société française. En tant que consultants, nous apprenons que l’entreprise est un lieu dans lequel on peut développer un environnement culturel positif. Il y a des valeurs de travail en équipe, de responsabilisation, de respect, d’efficacité, de professionnalisme, d’écoute… La taille de l’entreprise n’est pas un sujet si différenciant que cela, hormis sur l’orientation client : le client est systématiquement présent dans les dix premières valeurs citées pour les entreprises de moins de 50 personnes, puis ce critère descend en rang.
Le travail en équipe, la hiérarchie et la productivité constituent les trois premières valeurs vécues dans les entreprises françaises en 2015. Comment les managers peuvent-ils interpréter ces résultats?
Je me place dans une situation de chef d’entreprise ou dirigeant, avec ces items en tête. Si j’ai envie de faire avancer mes collaborateurs, je dois identifier les aspects que l’on peut valoriser (travail en équipe, travail en commun, dialogue stratégique). Il faut que la stratégie décidée pour l’entreprise ait un sens : le « why » (pourquoi) est aussi important que le « what » (quoi). Un travail commun doit être réalisé pour atteindre un objectif qui ait du sens. La productivité peut quant à elle être traduite de manière positive (être plus performant pour se déployer ou se développer). Ces éléments se mesurent. La question de la hiérarchie doit quant à elle être abordée en développant une entreprise plus agile qui promeut l’autonomie et la prise d’initiatives.
« Il faut co-construire les modes de travail »
De quelle manière les entreprises peuvent-elles répondre de manière concrète aux aspirations de respect, de travail en équipe, d’épanouissement ou bien encore d’équilibre vie privée/vie professionnelle?
En concevant des projets d’action qui impliquent les gens ! On obtient de très bons résultats en développant une vision pour que les salariés puissent mieux travailler et être plus efficaces. Il faut « co » construire les modes de travail. Concernant l’équilibre vie privée/vie professionnelle, à partir du moment où vous êtes dans le « co », chacun va intégrer sa construction au projet d’entreprise. Chacun est en mesure de se responsabiliser pour peu que l’on le sollicite. A tous les niveaux de l’entreprise, beaucoup de gens illustrent leur capacité à s’impliquer, pour peu qu’on les associe à la prise de décision sur les modes de fonctionnement. Les opérateurs d’une usine peuvent avoir des réponses pour aller dans le sens du client. Il faut davantage manager par l’envie, moins par la peur…
Comment les entreprises peuvent-elles réduire l’écart entre les objectifs RH qu’elles affichent et la situation perçue par leurs collaborateurs?
Plutôt que d’écrire une échelle de valeurs, il vaut mieux la mesurer ! On introduit des valeurs dans le questionnement, et on s’aperçoit si ces valeurs sont vécues ou pas. Si l’ensemble des changements s’effectuent de façon très top/down, le travail en équipe n’est pas bien perçu. Il faut être moins dans la construction théorique de valeurs, et mesurer l’écart entre les valeurs perçues et celles souhaitées par l’entreprise. Il faut donc redévelopper de l’agilité et de l’intrapreneuriat dans l’entreprise ! Nous proposons, chez Kea & Partners, une offre de simplification « bottom/up » : on est capable de trouver plus de 10% d’optimisation des coûts de fonctionnement par la simplification bottom/up.
« Inspirez confiance dans l’avenir! »
Les sondés témoignent de leurs craintes quant au chômage, à l’incertitude pour le futur ou bien encore au gaspillage des ressources. Quelle attitude doivent adopter les entreprises face à ces considérations?
Il faut assumer la responsabilité sociale de l’entreprise. Les entreprises font de grandes choses parce qu’elles travaillent avec leurs collaborateurs ! Un leader fait de grandes choses parce qu’il inspire : Apple ne s’est pas construit uniquement avec Steve Jobs. De plus, entre 50% et 80% des compétences de demain n’existent pas aujourd’hui : il faut rendre ses collaborateurs confiants dans l’avenir. La France est le deuxième pays représenté au Consumer Electronics Show ; notre système de santé est plébiscité… On a des tas d’atouts à valoriser, mais il faut aussi s’adapter : depuis Uber, les chauffeurs de taxi sont désormais très sympathiques ! En termes de sécurité, il faut arrêter de faire la chasse au déviant : 99% des collaborateurs veulent que les opérations de leur entreprise se passent bien.
*Enquête réalisée par OpinionWay auprès d’un échantillon représentatif de 1074 Français âgés de plus de 18 ans.
Photo: Planning, risk and strategy in business par Shutterstock/Brian A Jackson
Un nouveau lieu de travail collaboratif
En septembre 2015, Kea & Partners a inauguré, dans ses locaux de Malakoff (Hauts-de-Seine), un lieu de travail collaboratif, L’Ampli. Crée avec les cabinets KeaPrime et Tilt Ideas, il propose, sur 450m², un point de rencontre pour leurs clients avec un amphithéâtre, six salles correspondant à six modes de travail différents, et une régie technique. « Ce lieu permet d’accueillir des groupes de 10 à 80 personnes afin de développer de la co-création. Ce ‘co’ se traduit spatialement par un espace réservé aux entreprises selon le concept ‘Chez vous, chez nous’, avec un design affirmé », indique Arnaud Gangloff.
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