Coach spécialisé dans la distribution, Benoît Mahé, auteur de « Retail Coaching », rappelle que le personnel présent en magasin doit faire preuve d’initiative pour générer davantage de revenus.
Comment développer l’efficacité du personnel en magasin ? Coach spécialisé en distribution, Benoît Mahé a créé en 2009 son cabinet, CapKelenn, et a publié un ouvrage de référence en la matière, Retail Coaching. A l’occasion d’une nouvelle édition de son livre (éditions Maxima), il présente à Business & Marchés ses convictions sur les moyens de favoriser l’épanouissement des vendeurs et des managers dans le commerce, et ce même si ce secteur n’est pas celui au sein duquel ils sont arrivés nécessairement par vocation.
Pourriez-vous nous présenter votre parcours?
Depuis tout petit, j’aime le commerce, et j’ai eu un parcours de cadre au sein de réseaux de grande distribution. J’ai eu l’impression de faire des choses passionnantes, notamment à l’heure de la photo numérique. J’ai parfois aussi été frustré, lorsque j’étais manager en magasin, de ne pas être sûr que mes collaborateurs partageaient ma vision, de ne pas toujours savoir « impliquer »: transmettre des idées, et faire en sorte que les collaborateurs se les approprient… A l’âge de 38 ans, j’ai eu la chance de prendre un an pour réfléchir, ce qui est un vrai luxe. Depuis très jeune, je souhaitais monter mon entreprise, et j’ai pris un an pour devenir coach professionnel, master en programmation neuro-linguistique (PNL), et placer ces disciplines en face du compte de résultats d’un réseau de magasins.
Comment peut-on appliquer les principes de la programmation neuro-linguistique dans le secteur du commerce?
Je réconcilie deux mondes apparemment inconciliables : celui de l’épanouissement personnel et celui de l’efficacité commerciale. Il y a trois indicateurs clefs : le nombre de tickets, la capacité de vendre des produits à plus forte valeur, et la vente additionnelle. Concernant le premier item, prenons l’exemple d’une jeune femme de 35 ans : elle peut avoir l’impression de n’être « que » une vendeuse ou une caissière, mais elle peut aussi trouver du sens ou donner du sens dans ce qu’elle fait, grâce à un manager qui sait être un coach pour elle. Quelle posture adopter pour que cette personne, toute l’année, donne le meilleur d’elle-même ? En termes d’efficacité, si une boulangère a un panier moyen de 1,50 euro, elle peut agir ou sur les ventes additionnelles ou sur sa montée en gamme pour le faire monter à 2 euros.
Vous avez-développé le concept de « retail coaching »: en quoi consiste-t-il?
Le retail coaching, c’est l’application du coaching professionnel à l’environnement du commerce de détail : la vente en magasin, le comptoir de l’hôtel, la course de taxi, les services publics dans les gares… Que faire pour que chaque personne décide, dans la « bulle » entre le vendeur et le consommateur, d’injecter l’énergie la plus positive possible pour transformer cette transaction en expérience client gratifiante ? On parle de « la danse avec le client ». Nous avons défini les « 8C » d’une vente excellente (consulter, contacter, connaître, convaincre, convertir, conclure, compléter, confirmer), avec un travail à effectuer en amont. Les produits sont-ils prêts ? Est-ce que je connais le prix ? Dans le retail coaching, il y a également une notion de responsabilisation. Dans la pratique, si je suis vendeur, je ne décide pas de la politique de prix ou de marge, mais je décide de mon attitude, et pas seulement parce que je dois sourire ! En retail coaching, on dit qu’il n’y a rien de plus innovant que d’être soi-même.
« Le commerce doit être une expérience »
En quoi consistent les standards « non-négligeables » dans le commerce?
Un standard non-négociable, c’est une attitude indiscutable. Il est plus grave de ne pas l’appliquer que d’arriver en retard le matin. Il s’agit de l’attitude minimale et objective du personnel en magasin. Ce sont des procédures, mises en place à l’échelle des réseaux : les réseaux qui ont de l’avenir ont des standards non-négociables, et une culture du dépassement de soi. Il est légitime qu’un responsable définisse ses standards non-négociables : chez Starbucks, on vous demande systématiquement votre prénom, par exemple. On peut introduire une notion de distinction entre l’autorité (qui tranquillise) et l’autoritarisme (qui paralyse) : je tranquillise mon magasin et mon réseau en exerçant mon style d’autorité.
Comment les vendeurs peuvent-ils, à leur niveau, maximiser leur efficacité?
Quand un client voit un vendeur qui exécute sans plaisir, il le voit, et ne supporte plus cela. En magasin, le client ne supporte plus du personnel non-impliqué, « standardisé » et « robotisé », même s’il apprécie de retrouver des standards d’un magasin à l’autre. Toutefois, le commerce doit être une expérience. Il y a trois mises en évidence de neurones, depuis vingt ans : les neurones miroirs (si je baille, vous baillez), les fuseaux de neurones (je me convertis à ce que je pense), et enfin la neuro-plasticité (nous pouvons tous, à tout âge, continuer à apprendre et à dépasser nos propres limites). Dans mon entreprise, en six ans, nous avons organisé 3000 sessions de coaching, individuelles et confidentielles. Les personnes nous disent parfois qu’elles sont nulles en maths, doivent changer d’optique et se décomplexer. Avec un peu de pédagogie, on peut débloquer de manière radicale ce type de freins. Nous avons un rôle « social » : on contribue à faire progresser les gens, en mettant en valeur leur fierté, ainsi qu’en favorisant la sérénité des managers.
« Les marques de considération et les briefings favorisent l’épanouissement des équipes »
Comment l’épanouissement des équipes en magasin peut-il être favorisé?
Par l’attitude du leader, par les marques de considération et de reconnaissance, et par les rituels de conversation (des briefings collectifs ou des sessions de coaching, avec des rendez-vous réguliers). On trouve toujours le temps d’aller fumer ou d’aller aux toilettes. Nous avons défini, pour nos sessions de coaching, six questions et vingt-six mots : être capable d’accompagner l’autre à son meilleur niveau, être capable de dépasser « l’assentiment » par un enjeu de conviction : ce qui s’exprime se conçoit bien, même dans un environnement aussi rapide et aussi exigeant que le magasin Il faut parier sur l’intelligence de ses collaborateurs, quelle que soit leur qualification.
Comment votre méthode peut-elle favoriser l’attractivité des métiers de la distribution?
L’enjeu du manager est de motiver des gens qui ne sont pas arrivés par vocation. Est-il possible qu’une chef de caisse organise un flashmob dans son magasin, et ait de la joie dans ce qu’elle fait ? On les rend maîtres et responsables de ce qu’ils font : il faut s’asseoir avec eux, et les faire contribuer. Voulez-vous contribuer à notre succès ; et ce commerce contribue-t-il à un monde meilleur ?
Disposez-vous d’exemples d’entreprises qui ont réussi?
Chez Relay, la transaction moyenne est de 14 secondes. On a mesuré le nombre d’unités par ticket : 1,1. En trois mois, on est passé à 1,4 en dépassant le frein de la « peur » de déranger le client en lui proposant d’autres articles. Chez Alain Afflelou, nous avons agi dans une région sur l’augmentation du taux de conversion entre les devis remis et les ventes : on l’a doublé grâce à une prise de conscience, en deux mois (la durée moyenne de nos missions est comprise entre deux et trois mois).
Photos: Young woman choosing tv par Shutterstock/Dmitry Kalinovsky (couverture) et TedxBelfort 2015/François Jouffroy (Benoît Mahé)
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