Le changement d’enseigne de Quick pour celle de Burger King ne pourra réussir qu’à condition d’associer les salariés et les managers au projet, explique le spécialiste en fusions-acquisitions Frédéric L’Héréec (Hay Group).
Même si la direction de Burger King France assurait privilégier un développement en propre, des rumeurs persistantes d’un intérêt pour Quick étaient récurrentes dans la profession… Les deux parties ont crevé l’abcès mercredi 28 septembre à travers un communiqué commun, annonçant l’entrée en négociations exclusives du groupe Bertrand, actionnaire majoritaire de la joint-venture détenant la franchise de Burger King en France, et de Qualium Investissement, une filiale de la Caisse des Dépôts, pour l’acquisition du numéro 2 français de la restauration rapide.
Implanté de longue date dans le secteur de la restauration avec des enseignes telles qu’Au Bureau, Café Leffe ou la brasserie Lipp, le groupe Bertrand, qui a réalisé 600 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, s’apprête à mettre la main sur une entreprise qui a, pour sa part, totalisé 1,029 milliards d’euros de ventes. L’enseigne Quick disparaîtrait de France au profit de Burger King, mais serait conservée en Belgique (son pays d’origine), au Luxembourg et hors d’Europe.
Frédéric L’Héréec, directeur associé au sein du cabinet de conseil Hay Group, analyse pour Business & Marchés les enjeux de l’intégration potentielle de Quick au sein du groupe Bertrand, et les conséquences managériales d’un changement d’enseigne au profit de celle d’un concurrent.
Est-il courant, en matière de fusions-acquisitions, qu’un groupe spécialisé « métier » succède à un fonds d’investissement?
Ce sont des opérations qui arrivent, certes moins fréquemment qu’une introduction en bourse ou la reprise par un autre fonds. Mais, dans une optique de développement et accroître sa présence sur le territoire, cela a du sens.
Quels sont les risques d’une opération de croissance externe, et comment les entreprises peuvent-elles s’en prémunir?
Au-delà des enjeux financiers, les principaux risques opérationnels dans une opération de croissance interne sont notamment la continuité du business et les clients (réputation, perception de ses valeurs, expérience des clients dans les restaurants) d’une part, et l’impact sur l’engagement et la motivation des hommes et des femmes dans le nouvel ensemble.
Dans cette opération, l’enjeu majeur réside dans l’intégration des équipes, notamment si, comme il a été annoncé, les restaurants Quick changent progressivement d’enseigne. Les managers auront un rôle essentiel dans l’intégration pour s’en prémunir. Ils devront donner du sens au projet, faire comprendre les cultures respectives des deux entreprises et faire travailler ensemble les équipes dans l’intégration. En les faisant travailler ensemble, ils apprendront à se connaitre, à comprendre les caractéristiques de chacune des cultures, et percevront le sens du projet afin d’être engagé dans ce nouvel ensemble.
Comment peut-on réussir l’intégration d’une entreprise à l’histoire et à la culture différente, qui plus est jusqu’alors concurrente?
Trois éléments me semblent importants pour réussir une telle intégration. D’une part, il est essentiel d’identifier et de qualifier la distance en termes de culture et de pratiques managériales entre les deux entreprises pour les prendre en compte dans les travaux d’intégration. Expliciter ces différences culturelles et managériales est un pas essentiel vers le succès. D’autre part, il convient de sélectionner finement et objectivement les managers qui seront des acteurs importants du rapprochement. Nos recherches indiquent qu’une opération à quatre fois plus de chances de succès lorsqu’une revue du management est réalisée! Enfin, il faut mesurer très régulièrement la convergence culturelle et managériale – au même titre que les revenus ou les parts de marché – tout au long du rapprochement. Cette prise de pouls est un indicateur prédictif du succès.
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