Les nouvelles tendances IT (cloud, big data, intelligence artificielle) modifient en profondeur le marché de l’outsourcing, estime le cabinet ISG.
D’après une étude réalisée par le consultant en technologies ISG (Information Services Group), le marché de l’outsourcing a progressé de 7% dans la zone EMEA (Europe/Moyen-Orient/Afrique) en 2014. Pour mieux comprendre les nouvelles dynamiques du secteur, Business & Marchés a interrogé Francis Capdepuy et Julien Escribe, partners chez ISG France.
Quelles sont les grandes tendances constatées en France et dans le monde sur le marché de l’outsourcing ?
Aujourd’hui, en France et sur le marché mondial, on observe deux tendances majeures.
La première, c’est la réduction de la durée moyenne des contrats. Alors qu’il y a 10 ou 15 ans la plupart des contrats d’outsourcing engageaient les deux parties pour 7 à 10 ans, de nos jours la moyenne se situe un peu au-dessus de 4 ans. Ces contrats portent sur des périmètres plus circonscrits et requièrent des investissements moins lourds de la part des prestataires ce qui engendre une rentabilité plus rapide. Les entreprises qui confient la gestion de leurs services IT à des partenaires le savent et n’hésitent plus à remettre plus fréquemment en compétition certains contrats pour bénéficier plus vite des dernières évolutions.
La deuxième grande tendance est incontestablement le multi-sourcing. Le nombre de contrats signés a cru de manière flagrante ces derniers mois, notamment du fait du démantèlement d’anciens très gros contrats en plusieurs parts. Ce « fractionnement » des contrats d’outsourcing est le résultat des modifications importantes du paysage des fournisseurs, notamment du fait de l’apparition des modèles SaaS (software as a service) et cloud.
Les entreprises s’adressent plus facilement à plusieurs fournisseurs IT pour obtenir le meilleur de chacun. La multiplication des fournisseurs IT entraine une modification de la gouvernance. La fonction d’intégration des services qui consiste à orchestrer et interconnecter les services IT au sein des entreprises a pris de l’ampleur et devient une activité majeure pour les équipes IT.
Quelles raisons expliquent la forte croissance du marché de l’outsourcing en France sur l’année 2014 ?
Clairement, beaucoup d’entreprises ont acquis une certaine maturité dans la gestion et dans la négociation de leurs contrats. 2014 a été très riche en restructuration et en renégociation de contrats. De nombreuses grandes entreprises, notamment du secteur bancaire, ont remis sur le marché leurs contrats d’outsourcing IT. Le marché français a aussi connu un grand nombre de consolidations cette année ainsi que les signatures de nouveaux gros contrats qui ont dynamisé le marché et tracté sa valeur totale vers le haut.
Enfin, et c’est un phénomène qui va s’inscrire dans la durée, l’émergence et la montée en puissance des modèles Saas et cloud, qui représentent des paradigmes assez différents de ceux en place jusqu’alors, a entrainé une redistribution des cartes. Jusqu’à maintenant plus timides, les grandes entreprises françaises s’ouvrent pleinement à ces modèles qui ont fait leurs preuves dans d’autres zones géographiques, ce qui entraine la signature de nouveaux contrats d’infogérance.
Quels sont les secteurs qui recourent le plus à l’outsourcing ?
Les secteurs dans lesquels l’IT est le plus déterminant et dans lesquels il représente des coûts importants sont habituellement plus enclins et plus prompts à avoir recours à des opérateurs externes. Plus les coûts IT sont élevés dans une société et plus il est probable que la recherche de leur optimisation aboutisse à de l’infogérance totale ou partielle.
Habituellement, le secteur le plus représenté est celui de la finance. Les banques d’aujourd’hui sont largement informatisées et fonctionnent depuis longtemps sur des systèmes d’information fournis par des opérateurs externes. Derrière les banques on trouve l’industrie manufacturière, les secteurs de l’énergie, du transport et des médias.
Quelles perspectives envisagez-vous pour ce marché ?
A très court terme, il est clair que les offres et les technologies autour du big data et du cloud sont amenées à influencer fortement, si ce n’est révolutionner, le marché. Le succès de ces nouveaux paradigmes technologiques imprime une dynamique de renouvellement et une augmentation du nombre de contrats d’externalisation. Le cloud permet de proposer des services IT véritablement à la demande. Certaines offres deviennent alors des « utilities » comme d’autres. On n’en consomme que la quantité nécessaire et on ne paie que ce que l’on consomme. Il y a fort à parier que ces modèles technologiques et ce mode de consommation devienne rapidement la norme.
Ces technologies propulsent de nombreuses innovations et une certaine effervescence des acteurs. Certains acteurs, minoritaires jusqu’à présent, développent leurs parts de marché sur la base de ces technologies. On peut noter par exemple l’émergence récente de nombreux acteurs indiens avec des offres à forte valeur ajoutée.
A moyen terme, il semble que la robotisation des process connaîtra un véritable essor dans les années à venir. Cet ensemble de technologies permettra à terme d’automatiser un plus grand nombre de processus de travail, notamment le traitement documentaire qui à ce jour est une tâche encore très largement réalisée par des humains.
Aujourd’hui, on voit apparaître des solutions très prometteuses qui peuvent effectuer, grâce à une intelligence artificielle de pointe, bon nombre des tâches qu’un humain effectue derrière un écran d’ordinateur. L’intelligence artificielle va trouver des applications commerciales concrètes et s’installer durablement dans les systèmes d’information des entreprises.
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