Les business models établis du jeu vidéo sont remis en question par un mouvement de dématérialisation qui n’a plus rien d’anecdotique.
La dématérialisation des supports culturels affecte aussi la filière du jeu vidéo, dont le modèle économique se transforme par la même occasion, révèle une étude réalisée par l’Ifop pour la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). « La dématérialisation du jeu pour PC n’est plus une question : elle est en cours d’achèvement », précise la Hadopi.
90% des jeux PC font l’objet d’une telle distribution, tandis que 47% des joueurs français s’adonnent à leur passion au moyen de jeux distribués en ligne. Néanmoins, 83% des joueurs en ligne interrogés ont aussi joué sur support physique au cours de l’année écoulée. A cette occasion, « la diversité des modèles économiques a explosé », indique l’institution. 64% du chiffre d’affaires du jeu dématérialisé émane du paiement à l’acte, ou pay to play : les titres sont vendus à l’acte, à l’instar du commerce physique. Le montant moyen dédié aux jeux dématérialisés s’élève à 66 euros.
De nouvelles formes de business
D’autres formes de paiement se développent ou émergent en parallèle : le pay and play more consiste à payer durant le jeu pour des items supplémentaires, dans la veine du freemium, qui permet à tous de débuter gratuitement un jeu avant de pouvoir acquérir, moyennant finances, des options ou des niveaux réservés. L’abonnement payant est quant à lui plus répandu, et peut se muter en streaming payant, modèle peu développé au sein duquel un catalogue de jeux est disponible de manière illimitée contre un forfait mensuel, dans la lignée du streaming musical.
Sans surprise, la gratuité attire les foules. L’enjeu est, pour les éditeurs, de s’emparer de cet engouement. Les jeux en free-to-play sont plébiscités pour leur facilité d’acquisition, leur proposition éditoriale adaptée à tous les types de publics, et la facilité d’y jouer en mobilité. Les titres payants se rattrapent cependant en termes d’expérience de jeu, de qualité, d’exhaustivité et de mises à jour.
Des acteurs qui se concentrent
Ce mouvement de dématérialisation rebat par ailleurs les cartes parmi les acteurs du secteur. Les jeux vidéo physiques ont une chaine de valeur éclatée entre quatre types d’intervenants (les développeurs, les éditeurs, les distributeurs et les détaillants), les jeux mobiles deux types d’acteurs (les développeurs et les distributeurs), et les jeux en ligne… un seul : les développeurs. La notion de prix est de facto remise en cause, compte tenu de la diversité de modèles économiques. L’offre licite se concentre aux mains de quelques acteurs à même de maîtriser l’ensemble des métiers jusqu’alors réalisés par des intervenants différents.
La dématérialisation entraine aussi l’essor d’un marché gris et d’un marché illicite du jeu vidéo, ce dernier étant combattu – en vain – par les éditeurs via l’installation de dispositifs techniques de protection. Les serveurs personnels ou les sites miroirs pullulent. Ces pratiques ne sont pas sans risques pour les joueurs, qui encourent notamment le risque d’un piratage de leur compte bancaire. 31% des joueurs en ligne ont déjà subi un préjudice. « La dématérialisation a surtout accentué la porosité entre usages licites et illicites, parfois à l’insu du joueur », complète la Hadopi : les clefs d’activation erronées sont un exemple parmi d’autres de cette situation.
Pour l’autorité, le secteur dans son ensemble doit s’interroger sur les conséquences de la dématérialisation.
Photo : Game controller and blue light par Shutterstock/PeterPhoto123
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