Ce n’est pas une question enfantine. Si l’on continue à pêcher à ce rythme, les océans pourraient être vides d’ici cinquante ans, si l’on en croît les experts. Un récent rapport tire la sonnette d’alarme: «Cette tendance générale à l’érosion de la biodiversité pose un sérieux problème, car elle tend vers un effondrement global de tous les taux de poissons pêchés pour le milieu du XXI° siècle (si l’on se fonde sur notre simulation jusqu’en 2048)».
Les morues commencent déjà à être concernées. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’aquaculture révélait en 2005 que 75% des zones de pêche de la planète étaient exploitées à leur maximum, surexploitées ou épuisées. Plus spécifiquement, le temps de la pêche abondante de la morue est terminé. Deux études publiées aux Etats-Unis et au Canada émettent de sérieux doutes sur la capacité de l’espèce à se renouveler. La première, réalisée par le centre de recherches de Stony Brook (État de New York), indique que la pêche de poissons de grande taille induit une transformation génétique de l’espèce, et ce à partir d’études sur la capucette, une autre espèce de poisson. La morue se serait ainsi en quelque sorte programmée pour disparaître, La seconde étude, en provenance de chercheurs du Ministère canadien des pêches et des océans, publiée en Février, indique que même le peu qui reste de la pêche côtière à la morue au large des côtes canadiennes ampute les chances d’observer un rétablissement de l’espèce.
A Terre-Neuve, 37000 personnes se sont retrouvées au chômage après l’effondrement du secteur de la pêche à la morue dans les années 1990. La dépollution des eaux et des côtes aussi coûte cher, tout comme l’éventuelle crise alimentaire mondiale annoncée par la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation). La logique financière et économique est donc à prendre en compte dans la balance qui fera que l’on agira, ou non, face à cette raréfaction des espèces de poissons. De plus, un écosystème aussi efficace que celui des océans est à même, selon le biologiste allemand Boris Worm de «nous protéger contre les invasions d’espèces nuisibles ou venimeuses, comme certains parasites, algues ou méduses». Pour renverser la tendance, plusieurs mesures sont à prendre, au premier rang desquelles protéger les zones de reproduction des poissons, et interdire la pêche «grand fond et les filets dérivants». Car les grands fonds attisent aussi l’appétit des pêcheurs, qui disposent déjà des outils adéquats pour parvenir à leurs fins. De grands filets (les chaluts à vergue) ouverts par une barre de métal râclent les fonds marins. Certains entrepreneurs font appel à des pompes électriques sous-marines.
Un débat fait rage sur l’aquaculture. Face à ce constat, nombreuses sont les voix qui préconisent cette solution. Aujourd’hui, 43% des poissons consommés en proviennent, selon la FAO. Mais un problème se pose: les poissons d’élevage comme le cabillaud doivent manger de grandes quantités de farines et d’huiles de poissons, ce qui, à terme, revient à pêcher beaucoup d’espèces sauvages menacées pour nourrir les poissons d’élevage censés compensés les pertes ayant eu lieu en haute mer.