Si La Fabrique givrée n’exclut pas de relever certains de ses prix, l’enseigne ardéchoise spécialisée dans les glaces, qui fête ses dix ans, compte conserver ses quantités et poursuivre son développement dans la pâtisserie.
A quelques encablures du jardin du Luxembourg, rue Soufflot, dans le 5ème arrondissement de Paris, en fin d’après-midi, l’effet de la rentrée scolaire est immédiat. Enfants avec leurs parents et adolescents se délectent d’une glace, commandée dans la petite boutique de la Fabrique givrée, avec sa très sobre devanture noire, et sa quinzaine de glaces (et autant de sorbets). Pourtant, savent-ils que les délices glacés ont été conçus à 550 kilomètres de là, à Tournon-sur-Rhône ? Cette commune de l’Ardèche accueille le siège et le laboratoire de l’entreprise, créée en 2012 par Martin Chauche et Jérémie Runel.
Pas d’arôme artificiel, pas de colorant : dès le départ, La Fabrique givrée a misé sur des principes forts, aujourd’hui en vogue. Les cornets sont élaborés à base de farine de châtaigne. A l’automne, mousses au chocolat, gaufres et café s’invitent dans les dix boutiques pour contrer la saisonnalité de l’activité. Une offre de chocolats vient par ailleurs d’être ajoutée à la carte, en plus des pâtisseries déjà disponibles.
De multiples références gourmandes
Les “Desserts du chef”, des coupes glacées agrémentées de toppings, visent aussi à répondre d’un public gourmand : six recettes préparées en boutique, dont On the beach (brunoise de fruits jaunes, sorbet coco, sorbet passion, chantilly, sauce exotique, bâtonnets de mangue-coco et zestes de citron vert) ou Folie Cookie (noix de pécan caramélisées, glace cookie-pécan, glace stracciatella, chantilly, praliné, cookie double chocolat et noix). Les bâtonnets mangue-coco sont un peu décevants, mais les bols sont assez généreux en termes de quantité, tandis que le dessert aux cookies est très réussi. Les prix sont, hélas, un peu élevés, entre 9 et 10,50 euros.
Côté glaces, le cœur de l’offre de la Fabrique givrée, les prix sont dans la lignée (3,40 euros la boule), mais certaines références valent le détour : thé marocain (rafraîchissant, avec une légère amertume et une pointe de menthe), basilic (très proche de la plante), fraise (vraiment acidulée, avec une petite pointe d’acidité en fin de bouche), pâte d’amande (très gourmand et épais) ou pêche (aux arômes vraiment prononcés de fruits). Petite déception, en revanche, sur le parfum de la rentrée pastis-cacahuète ou la noix de coco, très classique ou le “jus de carotte”, un peu fade.
Pour se développer, La Fabrique givrée mise par ailleurs sur sa boutique en ligne, avec une livraison en France métropolitaine en 24 heures. Certains magasins seront par ailleurs rénovés, tandis qu’un programme de fidélité est en phase de lancement.
Martin Chauche, cofondateur : “la myrtille et la framboise sont devenus des ingrédients de luxe”
Comment l’entreprise a-t-elle évolué en dix ans ?
L’entreprise a bien évolué en dix ans, passant de 2 salariés en 2012 a plus de 60 en 2022 avec 10 boutiques sous l’enseigne La Fabrique givrée et plus de 500 revendeurs. Une gamme étoffée au fil du temps passant de 34 parfums qui évoluent au fil des saisons sous divers formats, a des pâtisseries glacées, ou encore l’arrivée d’une offre de chocolat quand les températures redescendent. Une offre complète en boutique pour tous les moments de la journée. Nous nous sommes également ouverts au marché des professionnels avec notamment en 2020 un partenariat avec l’enseigne Thiriet qui distribue certains de nos produits. Nous travaillons également avec des hôtels, restaurants et épiceries fines mais de manière encore assez confidentielle car nous sommes au maximum de nos capacités de production. Un nouvel atelier est en cours d’aménagement, ce qui nous permettra de nous concentrer sur ce levier de croissance.
Qu’en est-il des demandes de vos clients ?
Au niveau des habitudes des consommateurs, le naturel et le local sont devenus des valeurs de plus en plus courues, ce qui tombe bien vu que ce sont des valeurs qui nous animent depuis le début. On a également vu grandir l’intérêt pour des produits éco-responsables, encore une valeur qu’on défend même s’il est dur d’être irréprochable. On essaye au maximum d’évoluer dans ce sens le plus rapidement possible. Sinon, la glace est un secteur porté par les innovations. Du coup vu que Jérémie Runel, cofondateur, et ses équipes sont très créatives, on s’amuse à fond nous renouvelons régulièrement nos produits.
De quelle manière vous attachez-vous à rapprocher la glace et la pâtisserie ?
Jérémie Runel est pâtissier à la base, donc c’est venu de manière assez naturelle ! De plus, on aime bien puiser notre inspiration ailleurs que dans notre métier de glacier ainsi on s’est ouvert à la pâtisserie, puis au chocolat, on regarde même ce qui se fait dans le salé. Finalement la glace n’est qu’une partie de la pâtisserie. Apporter un peu de savoir pâtissier dans nos glaces est devenu une signature. Les deux univers étaient faits pour se rencontrer. Notre pâtisserie “Kif du chef”, sous forme d’une portion individuelle, en est un excellent exemple. On a travaillé pour que ce soit un mélange de glace et de pâtisserie facile à déguster.
Quelles compétences recherchez-vous ?
Au niveau de la production, nous cherchons essentiellement des pâtissiers junior ou expérimentés. Nous avons également besoin d’employés de production sans aucune formation spécifique, mais avec de la motivation pour pouvoir les former et les faire monter en compétences. On grandit assez vite et on a besoin de personnes qui puissent évoluer avec nous. Il y a besoin de managers et d’employés pour nos boutiques. Actuellement, c’est compliqué.
Comment faites-vous face à l’inflation ?
Pour l’instant, nous n’avons que légèrement augmenté nos prix sur quelques références et on a absorbé la majorité. Le problème, c’est que ça grimpe encore et on ne sait pas bien quand ça va s’arrêter. En plus, nous rencontrons des problèmes d’approvisionnement, ce qui ne vient pas arranger les choses… La myrtille ou les framboises sont devenues des fruits de luxe, et nous n’arrivons plus à être rentables sur ces parfums. On va surement devoir faire des choix en arrêtant certains parfums, mais hors de question de diminuer les quantités pour un résultat moins bon ! Nous allons peut-être vendre certains parfums plus chers, ce qui permettra de sensibiliser les consommateurs à la question si nous arrivons bien à communiquer.
Photo de couverture : Aurélien Bailly