Le projet d’une pomme de terre destinée à l’alimentation humaine relance le débat sur la dangerosité des OGM.
En annonçant son intention de proposer une pomme de terre génétiquement modifiée, le chimiste allemand BASF fait ressurgir le débat sur l’emploi de cette technique à des fins d’alimentation humaine. Il s’agit en effet du débouché privilégié pour ce produit, dont l’autorisation européenne de cultiver à des fins commerciales a été demandée ce lundi.
Le groupe joue néanmoins la carte de la prudence, en rappelant que « la prochaine étape du processus d’autorisation consiste pour l’autorité européenne de sécurité des aliments à en tester la sécurité pour les humains, les animaux et l’environnement ». Si cette « patate » OGM était autorisée, malgré ces contrôles, une importante démarche d’explication devrait être nécessaire pour imposer ce légume d’un genre nouveau.
Nombreuses sont en effet les entreprises qui ont pris le parti d’écarter les organismes génétiquement modifiés de leur offre, ou de ne pas communiquer sur le sujet. Les nombreuses initiatives médiatiques des lobbys anti-OGM, notamment représentés il y a quelques années par José Bové, ont semé le doute sur la dangerosité des cultures concernées, destructions de plants à l’appui.
BASF peut s’appuyer, dans sa démarche, sur l’expérience accumulée à travers sa pomme de terre Amflora, autorisée à des fins commerciales, à l’instar du – célèbre – maïs MON810 de Monsanto. Quatorze années de procédure ont été nécessaires, avant la réponse des autorités européennes en 2010, pour mener à bien le projet. Le dépôt du dossier pour Fortuna, le nom donné à la pomme de terre désormais incriminée, intervient par ailleurs à une date symbolique, la barre des sept milliards d’humains venant d’être franchie.
Le débat fait toujours rage
« Sans progrès spectaculaire en agronomie, il ne sera pas possible de faire face aux besoins nutritionnels », soutenaient en 2008, dans une tribune parue dans Le Monde, six biologistes et membres de l’Académie des sciences, devant la perspective d’une planète peuplée de neuf milliards d’Hommes. Pro et anti-OGM s’affrontent sur le périmètre accordé à la science pour résoudre cette question, l’action sur les modes de consommation étant un des leviers préconisés par ces derniers, tout comme une répartition différente des terres agricoles.
Pour l’Association française des biotechnologies végétales, l’expérimentation dans les champs constitue « un préalable nécessaire pour valider les résultats de la recherche sur l’amélioration variétale des plantes ». Celle-ci a réagi, mi-octobre, à la condamnation à deux mois de prison avec sursis de militants ayant procédé à la destruction, l’an dernier, de parcelles de vigne transgénique appartenant à l’Inra.
Conscients de leurs difficultés en termes d’image, des professionnels auraient, au-delà de l’annonce de nouveaux développements, décidé de réagir en s’entourant de personnalités. Selon l’AFP et le site Rue89, Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU, aurait notamment été approché. Le lobbying constitue en effet, sur un terrain aussi polémique, une arme stratégique, dans chaque camp.