L’été s’est avéré chargé sur le front des matières premières : sécheresse, grève, résultats décevants…
Si l’été s’est avéré relativement clément en Bourse, il a, en revanche, particulièrement été agité sur le front des matières premières. Sécheresse outre-Atlantique, grève sanglante dans une mine de platine en Afrique du Sud, résultats décevants : les commodities ont fait la Une de l’actualité.
Les matières premières agricoles sous tension
La hausse des prix des matières premières agricoles est devenue particulièrement tangible au cours de ces dernières semaines. Les Etats-Unis et la Russie ont été atteints par d’importantes vagues de sécheresse, le département américain de l’Agriculture ayant notamment déclaré plus de 1.580 comtés en « zones sinistrées ». Deuxième et troisième producteurs mondiaux de blé derrière l’Union européenne, ces pays occupent une position non-négligeable en matière de production de céréales. Premiers exportateurs mondiaux, les Etats-Unis représentent 52% du maïs et 43% du soja consommés sur le globe. Entre fin juin et fin août, les cours du maïs à Chicago ont progressé de 60%.
Les céréaliers, qui constituent à première vue les principaux bénéficiaires de telles évolutions, risquent de se retrouver fragilisés, le coût l’alimentation des animaux de leurs clients étant amené à se renchérir, avec de potentielles difficultés de trésorerie à la clef. Le secteur avicole témoigne de cette situation, avec une hausse moyenne du prix des céréales de 24% depuis le début de l’année en France, mais des prix à la consommation en recul. Pris en cisaille, des exploitants se retrouvent contraints de travailler à perte. « Assurer le maintien de la viabilité des élevages et en même temps d’éviter dans un moment où la consommation et le pouvoir d’achat sont dans une situation difficile de tout répercuter », tel est le défi du ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et de ses homologues, comme il l’a récemment déclaré.
Les prix alimentaires mondiaux ayant grimpé en juillet de 6%, mais la France ayant traversé un été sans encombres climatiques majeurs, le président de Système U Serge Papin, habitué aux prises de position fortes, a fait part de son attente quant aux mesures prises dans l’Hexagone. « On n’a pas eu d’inconvénient climatique, on a fait une bonne récolte. Est-ce qu’on ne devrait pas en France mettre tout le monde autour de la table ? », s’est-il interrogé en sollicitant les ministres de l’Agriculture et de la Consommation.
La question d’une régulation accrue des marchés refait surface : considérées comme une possibilité de placement attractive, y compris pour les particuliers, les matières premières agricoles sont embarquées dans le grand bain de la spéculation, qui prend un sens nouveau à travers le trading à haute fréquence. « Nous ne pouvons pas faire grand-chose, si ce n’est nous asseoir tous ensemble et prier pour la pluie », a commenté Abdolreza Abbassian, de la Fédération des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Le risque d’une nouvelle crise alimentaire refait surface.
L’industrie minière en ébullition
Sur le plan des métaux, le conflit survenu dans une mine de platine en Afrique du Sud constitue une des actualités les plus fortes de la période estivale. Une grève ayant pour objectif le triplement des salaires sur le site de Marikana, appartenant à Lonmin, a dégénéré le 16 août dernier : la police a ouvert le feu sur des mineurs. 44 morts, parmi lesquels 34 employés, dont certains ont été enterrés ce samedi. Détenant près de 80% des ressources identifiées de platine, l’Afrique du Sud constitue un lieu stratégique, le risque étant pour les compagnies une extension du conflit à l’ensemble des entreprises. Des conflits localisés ont été recensés, avec des implications plus ou moins fortes. Les pressions sur l’emploi constituent un moyen, pour les firmes, de calmer la situation.
Les performances de certains leaders mondiaux de l’industrie minière sont pour leur part contrastées. « Notre performance financière a reflété la baisse cyclique du prix des matières premières et la transition vers notre nouvelle génération de mines à bas coût », a ainsi commenté Mick Davis, le directeur général d’Xstrata, lors de l’annonce des résultats du premier semestre de l’entreprise minière. Moins décevants qu’escomptés par les analyses, le revenu et le résultat opérationnel net sont toutefois en baisse. Glencore, qui pourrait procéder au rachat d’Xstrata, présente un visage relativement similaire, avec un bénéfice net et un EBITDA en recul. La firme met en exergue le pessimisme mondial concernant l’état de l’économie, impactant de fait les matières premières.
Le résultat net de BHP Biliton sur l’exercice 2011-2012 est quant à lui en chute de 34,8%, une première en trois ans. Sa marge opérationnelle s’élève pour sa part à 37,7%. En dépit de ce dernier chiffre, le groupe a suspendu un projet d’investissement sur lequel il planchait depuis le rachat en 2005, celui de l’extension du site australien d’Olympic Da, ayant pour trait de devenir la plus grande mine à ciel ouvert au monde. Les inquiétudes relatives à la demande chinoise en fer et en acier ont freiné les projets du groupe, qui cherche par ailleurs à se mobiliser sur un emplacement moins consommateur de capitaux.
La Chine n’est pour sa part pas en reste dans cette forte actualité, avec le lancement début août de la première plateforme dédiée aux échanges de terres rares, une famille de 17 minéraux aux propriétés magnétiques et optiques uniques. Un important nombre de produits high-tech en contient, parmi lesquels les téléphones mobiles ou les ampoules LED. Soucieux de conserver son monopole sur ces ressources, Pékin s’était attiré en mars dernier les foudres des Etats-Unis, du Japon et de l’Union européenne par le biais d’une plainte déposée auprès de l’Organisation mondiale du commerce : les exportations seraient limitées de manière abusive afin de pousser les prix à la hausse, des tarifs ne s’appliquant pas aux sociétés locales selon les plaignants. Des quotas encadrent depuis cinq ans la production et l’exploitation de terres rares.
Dans les semaines à venir, les prix du pétrole seront davantage au centre des attentions. Les répercussions à la pompe provoquent l’exaspération des automobilistes européens. La chute de la production de brut en juillet, sous l’impulsion de difficultés géopolitiques, ainsi que la faiblesse de l’euro sont incriminés.