A Auvers-sur-Oise, Dominique-Charles Janssens développe, autour de Van Gogh, une activité muséale et un institut en assumant de fonctionner comme une entreprise classique.
A 35 kilomètres de Paris, c’est dans un village conservé dans son jus, Auvers-sur-Oise (Val d’Oise), que Dominique-Charles Janssens, 69 ans, cultive depuis 32 ans la mémoire de Van Gogh (1853-1890), en ayant restauré et ouvert l’Auberge Ravoux, où le peintre résida à la fin de sa vie, du 20 mai au 29 juillet 1890. Pas question, pour autant, de solliciter des aides à tout va : « dans le domaine culturel, en France, le public supporte mal que le secteur privé fasse de la culture de qualité. Pourtant, le marketing est à la culture ce que l’architecte est à un immeuble ! », lance-t-il, attablé au milieu de la salle de restaurant qui constitue l’un des piliers de l’activité du lieu de mars à octobre ‒ «en Europe, seuls 7% des gens entrent dans un musée, mais 100% dans un café.»
L’histoire de cet ancien directeur marketing chez Danone a rencontré un large écho dans les médias : en 1985, Dominique-Charles Janssens, victime d’un accident de voiture, découvre durant sa rééducation que celui-ci s’est déroulé devant le dernier lieu de résidence de Van Gogh, qui a vécu dans 37 lieux différents. Le peintre impressionniste a réalisé 80 toiles à Auvers-sur-Oise. Après une année sabbatique, l’entrepreneur belge se met à visiter 200 maisons d’artistes pour en arriver à la conclusion que ce lieu de mémoire devait revivre. Il y injecte alors des fonds, réalise d’importants travaux de restauration, et ouvre au public en 1993 avec, donc, un restaurant et une activité muséale : «nous avons tout réaménagé afin que chaque mètre carré puisse supporter 500 kg. La maison est classée monument historique, mais je tiens à rester maître des lieux», indique-t-il. Une librairie est aussi présente.
De nouveaux moyens de financement pour réaliser le rêve de Van Gogh
18 millions d’euros ont été investis depuis le début de l’aventure : « nous sommes une PME culturelle, qui essaie, sans subventions, de se développer. Si le produit est bon, nous ne devons pas avoir besoin d’aide », ajoute Dominique-Charles Janssens qui, à la tête d’une association (l’Institut Van Gogh, pour gérer le développement culturel) et d’une entreprise (spécialisée dans l’immobilier et le commercial, avec 800.000 euros de chiffre d’affaires annuels, hors produits dérivés), contribue à l’activité touristique d’Auvers, mais s’est aussi tourné dès le départ vers les entreprises. 4800 personnes détiennent ainsi la clef de la Maison des Amis : vendues de 500 à 5000 dollars, les clefs permettent de financer le lieu, d’accéder à une pièce riche en objets liés à Van Gogh, et font aussi office d’outil de défiscalisation. « En fundraising, 80% des dons proviennent de 10% d’une cible », rappelle Dominique-Charles Janssens.
Ainsi, non content d’avoir proposé de nombreux produits dérivés et des partenariats – notamment avec American Express – il s’apprête à passer à la vitesse supérieure pour réaliser le rêve de Van Gogh : être exposé dans un café en installant, au sein d’une chambre déjà entièrement aménagée (coffre vitré, température…), un tableau peint par l’impressionniste à Auvers-sur-Oise. Les estimations sont en moyenne à un minimum de 120 millions d’euros. La médiatisation de l’opération sera assurée par des artistes, incités à participer à l’opération « Paint for Van Gogh », ainsi qu’un dispositif de clefs virtuelles. 150 millions de clefs numériques devront être vendues pour assurer la réussite du projet. « Une entreprise pourra lever de l’argent, et donner le tableau à l’Institut Van Gogh », précise Dominique-Charles Janssens. « Quelque soit la capacité financière du public, particuliers et entreprises, chacun sera le bienvenu », ajoute-t-il. Une borne de micro-dons par carte bancaire, fournie par la start-up Heoh, avait précédemment été installée.
Signe des capacités de Dominique-Charles Janssens à mobiliser des ressources, la ville d’Auvers-sur-Oise l’a mandaté pour réunir 600.000 euros destinés à d’autres projets culturels. «Il est possible de marier économie et culture, passion et raison», souligne-t-il.
Photo de couverture: Erik Hesmerg