Olivier Badot, professeur à l’ESCP Europe, décrypte les enjeux du commerce cross-canal, qu’il analyse également dans le cadre de la chaire Prospective du commerce dans la société 4.0, avec E.Leclerc.
De quelle manière le digital bouscule-t-il les acteurs de la grande distribution?
Olivier Badot – Face à la digitalisation, les acteurs de la grande distribution repensent leur relation client mais aussi les parcours d’achat. Le smartphone, le «nouveau doudou des consommateurs» devient la pierre angulaire des parcours clients pour préparer un achat, réaliser une commande ou guider son parcours dans le point de vente. A l’inverse, face à cette digitalisation croissante, le service en magasin, la relation avec les vendeurs devient un élément clé de l’expérience vécue, une vraie valeur ajoutée par rapport au monde virtuel. Les concepts commerciaux deviennent alors plus « experientiels», ou au travers de la théâtralisation et la stimulation des sens, le chaland vit des expériences gratifiantes au sein des magasins.
Quelles sont les fonctions-clefs d’un point de vente cross-canal?
Les quatre fonctions que pourraient remplir un point de vente dans un commerce «cross-canal» seraient les suivantes : fonction de relais dans un processus d’achat «click & collect», fonction d’assouvissement géolocalisé des pulsions du consommateur, fonction de «showrooming », fonction de production de valeur ajoutée à un achat effecté par le client sur Internet.
Comment a évolué la digitalisation du secteur?
Le web et les magasins sont devenus deux mondes poreux, interconnectés et complémentaires. Il n’y a plus de frontière entre le monde physique et virtuel, ses deux univers se combinent dans cette mobilité. On parle de «digitalisation des magasins physiques» et de «physicalisation des pure-players». Le digital dynamise ainsi la distribution en offrant de nombreuses sources d’inspiration aux enseignes, via des sites de partage de centre d’intérêt, via des tutoriels ou les réseaux sociaux.
Le consommateur est hyper-connecté au moyen de son mobile. De quelle manière les retailers peuvent-ils en bénéficier? Quels sont les risques pour eux?
L’instantanéité offerte par le mobile modifie les comportements de shopping. Le consommateur est connecté en permanence où qu’il soit connecté à ses amis, connecté à la concurrence mais aussi aux avis des internautes ou aux autres sites d’information. Se développe des comportements de «shazamisation», le fait de pouvoir tagguer ou photographier instantanément n’importe quel produit à partir de son smartphone ou de sa tablette pour obtenir des informations, entrer en contact avec l’enseigne ou effectuer un achat…L’achat devient alors plus facile, il se fait avec ses amis mais aussi avec une très bonne connaissance des produits, acteurs et des prix du marché. Le m-commerce devient aussi de plus en plus systémique, situationnel et proactif où les propositions d’achat sont poussées vers lui en fonction du croisement de variables le concernant et via des devices envoyant de nombreuses informations, notamment situationnelles et sur son état émotionnel et ses désirs à l’instant T. Cela annonce l’ère du commerce à travers les objets connectés.
Quelles sont les grandes tendances que doivent surveiller les distributeurs dans les prochains mois?
L’avenir est aux places de marché. L’usage du téléphone mobile ne cesse de croître. On l’utilise de plus en plus pour aller sur les réseaux sociaux, et acheter en ligne. Les interfaces seront de plus en plus interactives. Le consommateur va vouloir trouver une réponse à ses besoins le plus vite possible, charge aux applicatifs de le lui apporter. Plus il y aura simplification des applications mobiles, plus la marketplace fera son travail.
2 commentaires