Il ne suffit pas de vouloir s’emparer des codes des start-up pour devenir aussi agile qu’elles, rappelle le fondateur du cabinet de recrutement Clémentine, Emmanuel Stanislas.
« Le start-up spirit est une priorité pour les grands groupes », clame, dans une tribune cosignée avec le DRH de Google David Yana, le fondateur de Clémentine, Emmanuel Stanislas. Crée en 2000, ce cabinet de recrutement spécialisé dans le digital (informatique, Web, big data) accompagne ses clients dans leurs projets numériques au moyen de solutions RH. Dans un entretien accordé à Business & Marchés, Emmanuel Stanislas décrypte les ressorts de « l’esprit start-up », un leitmotiv qui suscite l’intérêt de nombreuses entreprises.
Pourquoi les start-up suscitent-elles autant d’engouement?
Premièrement, certains grands acteurs sont disruptés par les start-up (Airbnb, Uber…) et sont surpris par leur avènement. Deuxièmement, ces start-up, avant qu’elles ne deviennent des champions planétaires, avaient des ambitions plus modestes : toute entreprise a commencé petite. Des start-up ont pu identifier des manques dans les grands groupes, dans l’espoir d’être rachetées (born to be bought). Des banques ont acheté des moyens de paiement. On a pu « vendre » à des investisseurs une capacité d’innovation. Or, c’est agaçant : pourquoi ne pas être créatif directement dans les grands groupes ?
Comment cette aspiration peut-elle se traduire en faits?
Nous comptons, parmi nos clients, de grands groupes qui aspirent à créer l’esprit start-up. Nous travaillons notamment pour un transporteur de personnes, qui évolue sur un marché ultra-disrupté (Uber, BlaBlaCar, location de voitures entre particuliers, etc.) De toutes parts, des initiatives privées individuelles naissent alors que notre client doit continuer à assurer ses concessions. Celui-ci a décidé de participer à la disruption, avec une « digital factory », pour faire émerger des idées, voire créer de propres concurrents au sein du même groupe. Il s’agit, ni plus ni moins, de créer une autre organisation dans l’entreprise. Les hôteliers enragent de n’avoir pas créé Airbnb ! Prêt d’Union a quant à lui obtenu un agrément bancaire.
« Il faut valoriser la prise de risque des collaborateurs »
De quelle manière peut-on gagner en agilité au sein de structures bien installées?
L’agilité est bien évidemment une méthode, avec des équipes pluridisciplinaires, mais c’est aussi une culture à mettre en place. Il faut accepter de promouvoir l’innovation et, le corollaire de cela, c’est d’accepter l’échec ! Chez Google, on explique aux collaborateurs qu’ils peuvent porter leurs projets, mais qu’ils ne vont peut-être pas y arriver. Du coup, on comprend qu’on peut aussi se tromper. Si quelqu’un a tenté de porter un projet mais que celui-ci n’aboutit pas, on peut néanmoins le mettre en valeur pour récompenser la prise de risque, qui peut aboutir à de bonnes idées. Il faut que cette voie soit valorisée en interne.
La question de l’employabilité de ces collaborateurs reste posée…
La question de l’employabilité aide les collaborateurs à innover. Progressivement, en France, il y a une forte valorisation de l’entrepreneur : nombreux sont ceux qui veulent créer leur entreprise à la sortie de l’école ! Les Niel (Iliad-Free), Granjon (Vente-privée), Simoncini (Meetic, Jaïna)… sont nos nouveaux héros. La prise d’initiatives, la capacité à savoir opérer un pivot… tendent à être valorisés.
« Les hackatons permettent de repérer les meilleurs talents »
Les start-up se distinguent souvent par leurs modes de recrutement originaux, tels les hackatons: quels en sont les points forts?
Entre un centralien et un autodidacte, on peut concourir à armes égales sur un projet de développement, par exemple. Il s’agit de « décloisonner » et de donner des chances à ceux qui n’ont pas forcément bien démarré dans la vie, mais ont de l’expérience. Le deuxième intérêt, c’est que les participants aux hackatons ne cherchent pas forcément à être recrutés, mais souhaitent avant tout se mesurer à d’autres personnes. Certains seront pour leur part intéressés par le prix. Dans tous les cas, il s’agit de pouvoir repérer les meilleurs.
Les start-up misent également sur les services (cantine gratuite, etc.): ces avantages sont-ils des artifices, ou permettent-ils réellement de motiver les collaborateurs?
C’est effectivement très agréable de manger dans une cantine luxueuse, d’avoir accès à une salle de sport, etc. Mais au-delà de tout cela, je crois que ces services concourent à créer une ambiance générale : on partage de la convivialité sur le lieu du travail. Les tables où l’on se met à 20 ou 30 personnes permettent de rencontrer les autres. Il faut également cultiver le côté informel (faire du sport ensemble, boire un verre, etc.) Ces avantages sont, de plus, extrêmement marketés. Les bureaux, comme l’emplacement, jouent aussi un rôle important. Aujourd’hui, avec Criteo, BlaBlaCar ou PriceMinister dans le 9ème et le 2ème arrondissement, on vit la transformation créative au cœur de Paris !
Photo: People Working with Photo Illustrations of Startup Business par Shutterstock
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