Les India Pale Ale confortent leur place sur le marché de la bière, aussi bien chez les brasseurs artisanaux que chez les acteurs historiques. Il reste néanmoins du chemin à parcourir pour la valoriser dans les restaurants, souligne l’équipe de Planète Bière.
Parcourir les allées de Planète Bière, le salon de dégustation de bières dont la journée professionnelle de la quatrième édition se déroulait ce 26 mars à Paris, c’est assurément découvrir des nouveautés que l’on a hâte de déguster… Essentiellement des India Pale Ale (IPA). L’équipe de Lagunitas refroidit d’emblée notre enthousiasme : la Day Time Ale, une session IPA au blé et l’avoine, ne sera, pour l’heure, pas disponible en France. Il faudra aussi attendre pour se procurer facilement la Little Sumpin, une wheat IPA dotée d’une belle onctuosité grâce au blé (à hauteur de 50%), pourtant brassée depuis 2005. Pour l’heure, les efforts se concentrent sur la distribution de l’India Pale Ale : « à son lancement en France il y a un an et demi, elle n’était disponible qu’en bouteilles. Les fûts sont arrivés en juin, et nous avons élargi nos efforts au-delà de Paris. Il faut rappeler que nous avons été précurseurs sur l’IPA, en se concentrant sur ce style depuis 1995 », explique le brand ambassador de Lagunitas en France, Bryan Joly.
Il faudra faire preuve de moins de patience pour se mesurer à la New England IPA de BrewDog, l’Hazy Jane, qui ne sera pas disponible dans sa canette vert bouteille pour la France, mais uniquement en fûts dès le mois d’avril (distribués par IBB). Titrant 7,2%, faible en amertume, elle met à l’honneur les fruits tropicaux et s’enrichit de notes de zeste de citron vert. Le deuxième fût français de la Native Son, une West coast double IPA à 8,5% disponible depuis seulement un mois au Royaume-Uni, a aussi été percé à Planète Bière : « c’est tout ce que vous souhaitée d’une IPA américaine et plus encore. Équilibrée, propre et absolument envoûtante », promet la marque, qui s’est dotée depuis août 2017 d’une équipe marketing spécifique à la France. « Il faut améliorer l’image de la marque, qui a essaimé dans la grande distribution. Nos recettes présentes en GMS permettent de faire découvrir l’univers craft », souligne Nicolas Briet, marketing et events manager. Un bar doit ouvrir à Paris d’ici à la fin de l’année.
Deux visions de l’IPA
Chez Frog, qui fête cette année son vingt-cinquième anniversaire, on vise une cible plus large. L’Empire IPA (5,4%), disponible depuis un an, en témoigne : « il y a toute une génération de personnes qui pensent que l’IPA est une invention américaine des années 2000 ! Ils ne savent pas qu’il s’agit d’un style traditionnel. Nous faisons découvrir ce style émergent avec une IPA anglaise et une IPA américaine, la Kapow, dont nous retravaillons la recette afin de remonter son taux d’alcool (5,5%) », indique le fondateur de Frog, Paul Chantler. En un quart de siècle, il a observé l’impressionnante évolution du secteur : « il était impensable, à l’époque, d’avoir 1200 brasseries en France ! Il n’y avait que de la Kronenbourg et de l’Heineken à la pression à Paris. La diversité des styles et l’intérêt des consommateurs, c’est fabuleux. La structure de distribution de la bière s’est étoffée », poursuit-il. L’enseigne aux treize restaurants prépare le déménagement de sa brasserie à Pierrefitte (Seine-Saint-Denis) en avril, sur 1200 m², le triple de l’actuelle usine de Saint-Denis. « Dans l’industrie, c’est difficile de trouver des emplacements ! », regrette le chef d’entreprise.
A Benifontaine (Pas-de-Calais), la Brasserie Castelain, fondée en 1926, possède davantage d’expérience en la matière… « Nous sentions que le marché évoluait. Nous sommes connus pour la Ch’ti, créée en 1979, et nous avons été précurseurs sur le bio avec Jade, en 1986. Les consommateurs étant prêts à accepter des bières plus houblonnées et avec plus de corps, nous avons lancé en 2016 la gamme Castelain, qui couronne nos 90 ans de savoir-faire – le mélange du passé et de l’avenir », précise la directrice générale de l’entreprise, Annick Castelain, devant une élégante gamme de bouteilles noires. L’IPA, nommée Fleur de houblon, est une bière de fermentation haute, à 6,5%, bénéficie d’un sourcing régional, dans les Flandres, pour son houblon. La Pale Ale (7%), en édition limitée, se joue quant à elle des codes de ce style pour être plus forte. « Nous disposons de notre propre pico-brasserie, ainsi que d’un responsable recherche et développement depuis trois ans », ajoute Annick Castelain. 80.000 hectolitres sont brassés chaque année par l’entreprise.
Comment servir l’IPA en restauration ?
Tous ces brasseurs le confirment : l’IPA s’est durablement installée dans leurs gammes. « Comme le Spritz ou le mojito, le terme est en train de passer dans le langage courant. Le spectre aromatique des IPA est très large. Dans les supermarchés, on en trouve, au même titre que dans les bars à bières plus spécialisés. Il faut toutefois mieux former les professionnels du circuit CHR, ce que nous avons entamé avec Metro, partenaire du salon », lance Franck Poncelet, coorganisateur de Planète Bière, qui a bouclé le 25 mars une journée grand public record avec 2800 visiteurs.
« L’IPA est une bière plus amère que le sont d’autres styles, donc il faut trouver des produits plus sucrés pour anesthésier l’amertume », met en garde Thibaut Schuermans, consultant avec sa société Bière à table. Il explique également l’intérêt de s’émanciper des contrats brasseurs : « il faut avoir une autonomie et la garder, même s’il faut débloquer plus de fonds pour s’installer. On disposera de plus de liberté pour construire sa gamme. » Stéphane Maxant, CEO du distributeur Planète Soif, a pour sa part catégorisé les clients des restaurants en cinq catégories : loyalty (des consommateurs qui cherchent des bières connues), explorers (des clients avides de découvertes, mais qui ne sont pas sensibilisés aux styles de bières), les connaisseurs, les collectionneurs, et les trendy (qui font la fête, peu importe la bière). « Peu d’établissements connaissent bien le rapport de leurs clients à l’amertume », appuie-t-il.
D’autres partitions à découvrir
A Cognac (Charente), la Brasserie des Gabariers, créée en 2017, joue une partition différente en ne disposant pas d’IPA dans sa gamme. En revanche, sa XO Beer (une lager à 6,5% à laquelle 1,25% de cognac XO est adjoint), dotée d’une bouteille rappelant l’univers des spiritueux, et l’Atlantic Rubis (6%), au Pineau des Charentes rosé, font écho à son territoire. Seule concession, une pale ale, la Jack Beer (7%), « la bière artisanale qui a du chien ». Un mélange de quatre houblons détonnant.
A Epinay-sous-Sénart (Essonne), l’équipe de Parisis concocte de son côté une version vieillie en fûts de sauvignon de son incroyable double IPA, l’IPA sous Sénart (8,5%), refermentée en bouteille. Elle est disponible depuis deux semaines. La Smash (5%), une bière dont les houblons changeront à chaque brassin, s’est frayée un chemin depuis deux mois avant d’être prochainement rejointe par une IPA à l’anglaise et une IPA à l’américaine. Pas de quoi s’ennuyer !
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.
2 commentaires