Entretien avec Grégory Hachin, manager chez Kurt Salmon, sur les enjeux de l’expérience client.
Dans une étude publiée récemment, le cabinet Kurt Salmon analyse les enjeux de la transformation des entreprises pour répondre aux défis posés par l’amélioration de l’expérience client, et propose des clefs pour y faire face. Il s’agit notamment de diffuser la « culture client » dans l’ensemble de l’organisation. Grégory Hachin, manager chez Kurt Salmon et auteur de cette étude, répond aux questions de Business & Marchés.
Business & Marchés – Pourriez-vous nous définir le concept d’expérience client ?
Grégory Hachin – L’expérience client est un concept ultra-transverse, complexe à circonscrire, que les grands théoriciens de l’expérience client définissent comme « la somme des émotions que le consommateur a avec une marque tout au long de son relation avec elle ». Concrètement, il s’agit de l’ensemble des interactions que le client va avoir à chaque fois qu’il va aller en boutique, recevoir un e-mail, utiliser le produit… Le concept d’expérience client dépasse le seul champ de la relation client et concerne tous les départements de l’entreprise.
Comment l’expérience client influe-t-elle sur les performances économiques des entreprises ?
L’expérience client joue sur les performances économiques des entreprises à différents échelons. Premièrement, sur les clients existants, une meilleure expérience client permet d’accroître leur longévité, et de réduire le taux de désabonnement par exemple (ou churn). Par exemple, dans un secteur des télécoms en pleine transformation, l’enjeu prioritaire pour les opérateurs est d’accroitre la valeur du client, sa lifetime value, en diminuant les couts d’acquisition mais surtout en augmentant sa fidélité.
Le deuxième élément concerne ce qu’on appelle le cross-sell : si je suis content de mon opérateur téléphonique, il y a davantage de chances que j’achète un téléphone et que je souscrive à une assurance chez lui. Cela va permettre d’augmenter le panier moyen. L’impact de l’expérience client est très fort : chez Amazon, les mécanismes de recommandation facilitent l’achat (au moyen d’algorithmes), et permettent d’augmenter le panier moyen.
La troisième brique concerne la recommandation par les clients et le bouche-à-oreille : un ami m’a indiqué que sa box Internet fonctionnait bien, par exemple. Dans ce contexte, l’e-réputation devient un véritable enjeu pour les marques.
Comment les entreprises peuvent-elles renforcer leur « culture client » ?
Cet enjeu ne concerne pas tellement les pure players, qui sont nés dans cette culture et qui se sont construits en partant d’une feuille blanche, mais plutôt les entreprises plus traditionnelles (brick and mortar). C’est un véritable challenge pour ces dernières dans la mesure où il s’agit de passer d’une culture orientée « produit » (on vend des services de téléphonie chez France Telecom, des voitures chez Renault…) à une culture tournée vers les usages et les clients. Ces sociétés doivent arriver à diffuser la « culture client » dans toute l’entreprise.
Au-delà des équipes en contact avec les clients, il faut arriver à la diffuser dans tous les services, y compris ceux qui ne sont pas en contact direct avec les clients, par exemple l’informatique (qui va gérer la maintenance du site Web et donc les plages horaires d’interruption), le pôle juridique (qui rédige les contrats et notamment les clauses particulières écrites en petites polices dans un langage d’expert)…
Cela nécessite une communication accrue entre les services, notamment d’un point de vue data…
Il y a effectivement de gros enjeux d’un point de vue « analytics », afin d’avoir une vision exhaustive et unique du client et de ses usages. Une même personne peut se cacher derrière celle visée par les bases de données d’e-mailing (pour adresser des emails marketing), des appels au service client et les bases de données de la comptabilité (pour la facturation). Rapprocher ces bases de données fait partie de projets, certes longs et complexes, mais qui permettent de faire franchir une étape significative à l’expérience client.
Certaines pratiques plus simples à mettre en œuvre peuvent aussi être testées : faire descendre l’encadrement en magasin, faire découvrir aux conseillers de vente leur zone de chalandise pour mieux en comprendre les spécificités (Leroy Merlin agit ainsi, par exemple).
Les canaux digitaux peuvent-ils permettre de faciliter l’interaction entre les marques et leurs clients ?
Les canaux digitaux exigent de nouvelles compétences qui engendrent d’importants changements de process dans les entreprises. D’un seul coup, elles n’ont plus un point de contact unique avec le client, mais plusieurs : les réseaux sociaux, l’emailing, le téléphone, les applications… Il faut pouvoir capturer toutes ces données, et les exploiter efficacement. Un des gros enjeux des services clients est de s’adapter à cette nouvelle donne, en faisant évoluer leurs effectifs et compétences d’une approche presqu’exclusivement orale (relation client par téléphone) vers davantage d’écrit (service client sur internet, emailing, réseaux sociaux…).
De plus, les canaux digitaux rapprochent énormément l’entreprise et ses clients dans le cadre de leurs interactions commerciales et techniques (une banque propose des tutoriels sur Vine, ou Lego s’appuie sur une plateforme Web pour co-créer ses produits en déléguant une partie de sa R&D à ses utilisateurs, par exemple).
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